Festival de Cannes: Woody Allen et Roman Polanski, deux grands «classiques» bien vivants

CANNES Deux documentaires dressant le portrait des réalisateurs ont été présentés à Cannes jeudi...

Stéphane Leblanc
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Woody Allen et Roman Polanski, montage photo.
Woody Allen et Roman Polanski, montage photo. — SIPA

De notre envoyé spécial à Cannes

Hasard de la programmation? Ou est-ce fait exprès? Le Festival de Cannes a présenté jeudi deux portraits de cinéastes bien vivants, l’un Woody Allen: A Documentary, dans la section Cannes Classics. L’autre, Roman Polanski: A Film Memoir, en séance spéciale, hors compétition. Deux documentaires sur deux habitués de la Croisette, le premier absent, le second, qui ne viendra que lundi pour présenter une version restaurée de Tess, un classique, avec Nastassja Kinski, réalisé il y a 35 ans. En attendant, les deux cinéastes nous convient chez eux, retracent leur carrière et nous expliquer leur travail, en toute intimité.

Le grand film qui lui échappe

Dans Woody Allen: A Documentary, qui sortira sur les écrans le 30 mai, Robert Weide parvient, sans difficulté, à prouver que son modèle est un as du gag au sens hors-norme de la répartie. Depuis ses débuts sur scène, dans de petits clubs, qui le montre dévoré par le trac et la timidité, à la télé, où on le voit boxer avec un kangourou ou chanter en duo avec un chien, jusqu’au cinéma. Le réalisateur d’Annie Hall et Manhattan, ses deux chefs-d’œuvre auréolés d’Oscars, commente ainsi les étapes de sa carrière, de chez lui, en montrant le petit bureau où il écrit ses scénarios avec toujours la même vieille machine à écrire, ses ciseaux et une agrafeuse. «Ecrire, c’est la belle vie: tout est possible, dit-il. Mais la réalité vous rattrape au tournage.» Touchant, Woody Allen qui, à 76 ans, confesse qu’il cherche encore, «à faire le grand film qui lui échappe depuis des décennies.»

Portraits à domicile

C’est aussi de chez lui, dans son chalet de Gstaad où il fut assigné à résidence en 2009, que Roman Polanski, 78 ans, répond aux questions de son ami producteur Andrew Braunsberg, filmé par Laurent Bouzereau, dans Roman Polanski : A Film Memoir. Privé de liberté, suspendu à la menace d’une extradition vers les États-Unis en raison d’une affaire de mœurs concernant une mineure en 1977, le réalisateur évoque les épreuves tragiques qu’il a pu traverser: son enfance dans le ghetto juif de Cracovie, la déportation de ses parents. «Ils sont venus chercher ma soeur, elle n'était pas là, ils ont pris ma mère», jusqu’à, bien plus tard, l’horrible assassinat dont fut victime sa jeune épouse Sharon Tate, enceinte, à Hollywood… Images terribles de Polanski en pleurs, à Londres en conférence de presse à ce moment-là. Il met en garde les journalistes qui colportent des rumeurs sur son sort: «Les faits vous feront honte...»

Eternels séducteurs 

Le premier des deux documentaires est évidemment plus amusant. Mais le second qui retrace une vie «de tragédies et de triomphes», n’est pas forcément triste pour autant. Le moment où Polanski a vu «des avions alliés survolant la Pologne, allongé dans une clairière au milieu de la forêt», ou, plus merveilleux encore, le jour où il a retrouvé son père.

Les deux cinéastes évoquent aussi leurs amours et de leurs familles. Enfin… pour Woody Allen, ce sont plutôt ses anciennes conquêtes qui parlent de lui. Le récit de son coup de foudre pas Diane Keaton est savoureux. «J’ai d’abord vu qu’il était petit, puis qu’il était charmant. Je me suis dit oh my god!». On imagine Woody Allen et Roman Polanski dire la même chose de toutes les jolies femmes qu’ils ont conquises au cours de leur vie.