Kaouther Ben Hania plonge « Les Filles d’Olfa » à l’origine du radicalisme islamique
FAIT REEL Le récit, par leur vraie mère, de l’embrigadement de jeunes filles tunisiennes séduites par l’islam radical, touche par sa puissance
- « Les Filles d’Olfa » revient sur une affaire tragique et très médiatisée en Tunisie.
- Kaouter Ben Hania a mis six ans à monter ce film, qui mêle documentaire et fiction, autour d’une mère dont deux des filles ont été emprisonnées en Libye.
- La véritable Olfa qui joue dans le film, ainsi que son « alter ego » incarné par l’actrice Hend Sabri, aident à appréhender la condition des femmes tunisiennes.
Une histoire vraie sur fond de radicalisme islamique et un dispositif original. L’héroïne des Filles d’Olfa, dont les deux aînées sont emprisonnées en Libye après avoir été enrôlées par l’Etat islamique en 2014, est incarnée par la véritable Olfa Hamrouni, mais secondée par un alter ego, comme une petite voix, incarnée par la comédienne Hend Sabri, qui la questionne sur ses actions. Entre documentaire et fiction sur un sujet brûlant d’actualité, Les Filles d’Olfa, en salle le 5 juillet, ont de quoi séduire, dérouter ou agacer le spectateur, mais en aucun cas le laisser indifférent.
« J’avais un personnage réel dont c’est la vraie vie, et j’avais besoin de questionner sa mémoire et son vécu, ce que je ne pouvais pas faire en direct avec Olfa toute seule : il me fallait un double fictionnel », a déclaré Kahouter Ben Hania au Festival de Cannes où le film était en compétition. La réalisatrice tunisienne, remarquée pour La Belle et la meute et L’homme qui a vendu sa peau, a également remplacé les filles absentes de l’héroïne par des comédiennes, et a tenu à tourner dans un décor unique pour préserver l’intimité de leurs échanges.
Les paroles d’Olfa, d’abord formatées tant elle a été sollicitée par la presse pour son affaire très médiatisée en Tunisie, deviennent de plus en plus naturelles et sincères. « Les comédiens me posent toujours des questions sur les motivations de leurs personnages, sur le pourquoi du comment, explique-t-elle. Je trouvais intéressant d’inverser le processus et de faire appel à une comédienne pour questionner, apporter de la distance et une réflexion sur le passé d’Olfa. »
Son message résolument féministe passe par une description de la condition féminine en Tunisie. « Après avoir entendu Olfa à la radio, ma première pulsion a été de comprendre ce qui s’est passé » insiste-t-elle. Elle a mis six ans à réaliser Les Filles d’Olfa, qui brosse en creux les portraits de jeunes filles croyant trouver la liberté en se laissant embrigader. La puissance de la douleur de leur mère est déchirante et habite le film tout entier.