Festival de Cannes: Soko et Lily-Rose Depp, l'une «travaillait» quand l'autre «s'amusait»
INTERVIEW CROISEE « 20 Minutes » a rencontré ensemble Soko et Lily-Rose Depp, qui incarnent respectivement Loïe Fuller et Isadora Duncan dans « La Danseuse », projeté dans la section Un Certain Regard…
L’une incarne Loïe Fuller, la danseuse cachée dans un tourbillon de voile, l’icône oubliée de la Belle époque, l’autre, Isadora Duncan, la danseuse prodige et dénudée, une grâce toujours adulée. Soko et Lily-Rose Depp étaient très attendues à Cannes pour des raisons peu avouables. L’une, parce qu’elle est l’ex-compagne de Kristen Stewart, l’autre, parce qu’elle est « la fille de ». Nul doute qu’après la projection de La Danseuse, premier film de la talentueuse Stéphanie Di Giusto, projeté ce vendredi dans la catégorie Un Certain Regard, on les attendra désormais de pied ferme juste pour ce qu’elles sont : deux actrices très prometteuses. 20 Minutes a rencontré l’irrésistible duo.
Comment êtes-vous arrivées dans le casting de ce film ?
Soko. Je connaissais Stéphanie Di Giusto. Pendant deux ans qui m’ont paru une éternité, elle a écrit sur la danseuse Loïe Fuller en disant que ce serait le rôle de ma vie. Avant même d’avoir lu le scénario, je savais que j’allais faire un film qui s’appellerait La Danseuse.
Lily-Rose Depp. Grâce à Soko ! Nous avons des amis communs à Los Angeles. Elle m’a dit que Stéphanie cherchait une Américaine de mon âge
Soko. Pas juste de ton âge ! Stéphanie cherchait une fille très mature à 16 ans avec une vraie force de caractère et énormément de charisme. Je pense qu’elle a bien trouvé !
Qu’est ce qui a séduit des jeunes femmes comme vous chez ces icônes de la Belle Epoque ?
Soko. N’importe quel artiste d’aujourd’hui peut se reconnaître en Loïe Fuller. Elle est hypermoderne, passionnée et acharnée. Elle commence à danser tardivement, à 27 ans. Du coup, elle doit compenser avec du travail, de la douleur et de la souffrance pour arriver à cette esthétique de la perfection. Ce qu’elle crée est complètement nouveau jusqu’à ce que Isadora Duncan arrive et vienne semer la pagaille…
Lily-Rose Depp. C’est un honneur de jouer Isadora Duncan. Cette icône a révolutionné le monde de la danse. Elle a été la première à se dénuder sur scène, elle était tellement dans le naturel et l’abandon.
On vous sent toutes deux passionnées par ces femmes d’un autre temps…
Soko. On a tourné avec une jeune réalisatrice qui a abordé leurs histoires avec un œil nouveau, hyperrafraîchissant, avec des personnages complexes, avec beaucoup de relief, qui font des choses auxquelles on ne s’attend pas.
Et comment vous êtes-vous préparées pour ces rôles très physiques ?
Soko. Je me suis entraînée, deux heures de sport et cinq heures de danse par jour, avec Jody Sperling, qui a consacré les quinze dernières années de sa vie à la danse de Loïe Fuller. Elle était la meilleure personne pour m’entraîner !
Lily-Rose Depp. Soko a travaillé comme une dingue pour arriver à ce niveau et elle a incroyablement réussi. J’ai eu moins de temps qu’elle pour me préparer. J’ai travaillé avec une chorégraphe et j’ai eu une doublure pour les numéros plus grandioses ! Le plus important pour Stéphanie, c’était que je me lâche et que je m’abandonne dans la danse. Je me suis éclatée, c’était vraiment bien.
Aviez-vous fait de la danse auparavant ?
Lily-Rose Depp. J’ai fait un peu de ballet à l’âge de 6 ans.
Soko. J’ai fait de la danse quand j’étais petite, mais j’étais la pire élève ! Moi, en collants, c’était un hippopotame au milieu de la salle, sans aucune grâce. J’étais la plus grosse, le vilain petit canard, jamais en rythme avec personne. Un peu comme Loïe qui n’aimait pas du tout son corps. Elle a tout réinventé dans la danse pour se cacher, parce qu’elle était très vulnérable et qu’elle ne s’aimait pas. Et c’est comme ça qu’elle a créé la magie.
Lily-Rose Depp. Loïe voulait que tout soit parfait sur scène qu’elle travaillait jusqu’à n’en plus pouvoir, tandis qu’Isadora voulait juste être dans l’agréable, s’amuser en dansant.
Soko. Ces deux personnages montrent deux façons différentes d’être un artiste. Loïe a ce besoin vital d’être dans la création et de ne rien lâcher. C’est un peu le parcours de Stéphanie, qui s’est battue pour réaliser ce premier film sans jamais rien lâcher.
Quel regard portez-vous l’une sur l’autre ?
Soko. Lily est un petit génie. Elle est comme dans le film, elle arrive sur le plateau et sait déjà tout ! On a l’impression qu’elle ne fait rien tellement c’est naturel, que tout est sans effort. C’est assez flippant d’être aussi jeune et aussi talentueuse !
Lily Rose Depp. C’est gentil ! Soko est vraiment une bosseuse comme son personnage. Elle veut faire de son mieux pour que le film soit le plus beau possible. Elle était tellement dévouée à ce film et à cette histoire de cette femme incroyable et oubliée. Quand j’ai vu pour la première fois à l’écran Soko faire la danse de Loïe Fuller, c’était dingue et magnifique !
Soko. Quand je l’ai vue, j’ai cru que Stéphanie avait ajouté des effets spéciaux. « Ça me met mal à l’aise », lui ai-je dit. Elle m’a répondu : « Il n’y a pas d’effets spéciaux. C’est ta danse, c’est ton travail »
Lily Rose Depp. On a l’impression de voir une fleur qui s’ouvre ou une peinture qui s’anime !
Comme vos personnages, il y a la bosseuse et le prodige…
Soko. Comme Loïe, je suis dans le contrôle et j’ai besoin de tout faire, mais je fais ça avec plus de plaisir et moins de souffrance que Loïe !
Lily-Rose Depp. Soko prend plus de plaisir dans son métier et dans son jeu que Loïe et je trouve cela super-beau.
Et vous vous sentez proche d’Isadora Duncan ?
Lily-Rose Depp. Je ne sais pas. Elle est quand même hypercoquine Isadora Duncan. J’ai adoré jouer une manipulatrice, un peu séductrice, quelqu’un d’un peu pervers, mais j’espère être plus gentille et douce qu’elle !
Et vos premières impressions à Cannes ?
Soko. On vient juste d’arriver et on n’a pas une minute pour se poser la question. Je suis fière de défendre dans ce festival, où les femmes sont rares, un film réalisé par une fille que j’adore, avec un casting riche en personnalités féminines qui font un peu de bruit.
Lily-Rose Depp. Je suis aussi fière de défendre ici ce film que j’adore avec une superbe équipe, entourée d’acteurs et d’une réalisatrice tellement talentueux !