En Angleterre, les enseignants tentent de « délaver » le cerveau des jeunes des théories misogynes d’Andrew Tate

Incels L’influenceur misogyne a conquis Internet en propageant des théories antiféministes. Désormais, les enseignants britanniques tentent de débunker ces théories auprès des jeunes

Pauline Ferrari
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En Angleterre, des écoles jusqu'au Parlement, on s'inquiète de l'influence d'Andrew Tate et de sa misogynie auprès des jeunes garçons.
En Angleterre, des écoles jusqu'au Parlement, on s'inquiète de l'influence d'Andrew Tate et de sa misogynie auprès des jeunes garçons. — M. Bureau/AFP
  • Alors que l’influenceur masculiniste est encore en détention pour viols et trafic d’êtres humains, Andrew Tate n’a jamais été aussi populaire en ligne.
  • Son influence s’étend auprès de la jeunesse. Selon un sondage, les adolescents britanniques connaissent davantage Andrew Tate que leur Premier ministre.
  • Dans différents établissements scolaires britanniques, associations et enseignants tentent de contrer les théories masculinistes chez les plus jeunes.

Edit du 20 juin 2023 : L’influenceur controversé Andrew Tate a été mis en examen en Roumanie « pour organisation d’un groupe criminel, trafic d’êtres humains et viols », a annoncé ce mardi le parquet chargé de la lutte contre le crime organisé (DIICOT). Arrêté fin décembre, il est maintenu assigné à résidence, tout comme son frère Tristan, inculpé des mêmes faits, précise le communiqué.

Voitures de sport, cigare à la bouche et lunettes de soleil : quelques recherches sur Andrew Tate suffisent pour comprendre l’aura du personnage. Ancien champion de kick-boxing depuis reconverti dans l’influence et le coaching, celui qui s’est autoproclamé le « roi de la masculinité toxique » officie depuis plusieurs années en ligne. Entre deux vidéos ou tweets misogynes indiquant que les femmes « ont leur responsabilité » en cas d’agression sexuelle, « le top G » demande à son armée d’abonnés d’inonder les réseaux sociaux avec ses vidéos et ses messages. Andrew Tate est partout, alors même que tous ses comptes de réseaux sociaux ont été bannis en août 2022. Depuis, l’influenceur a été arrêté en Roumanie avec son frère, accusé de trafic d’êtres humains et de viol, et est toujours en détention.



Pourtant, son influence en ligne ne s’étiole pas, bien au contraire. À tel point que les théories misogynes d’Andrew Tate ont envahi les cours d’école et les salles de classe, comme le rapport de nombreux médias anglophones, comme le New York Times, The Guardian ou The Independant. Tous rapportent l’inquiétude des parents et des professeurs face à de jeunes adolescents qui voient en Tate un symbole de réussite sociale et financière, mais aussi un modèle de masculinité. Alors, pour lutter contre l’influence du masculiniste, des enseignants ont décidé de centrer certains cours autour de la pensée d’Andrew Tate, dans le but de débunker certaines théories.

Les ados britanniques en savent plus sur Andrew Tate que sur leur Premier ministre

Le nom d’Andrew Tate est l’un des plus recherchés sur Google en 2022. En ligne, particulièrement sur certains réseaux destinés aux adolescents, comme TikTok, ses vidéos pullulent, partagées et repartagées par des comptes anonymes ou par d’autres masculinistes. Le nom d’Andrew Tate est connu de tous les ados britanniques, mais pas de leurs parents, ni de leurs professeurs. Dans les articles cités plus haut, de nombreux professeurs et parents affirment avoir découvert l’existence de l’influenceur et de ses propos à la suite des alertes ou des discours misogynes de la part d’élèves de 10 à 17 ans.



Selon un sondage mené par l’association britannique Hope not Hate et publié mi-février, les garçons âgés de 16 à 17 ans en savaient plus sur Andrew Tate que sur Rishi Sunak, le Premier ministre britannique. Dans ce même sondage, on apprend que 45 % des adolescents interrogés ont une opinion positive de l’influenceur… De quoi inquiéter les professionnels de l’éducation et les parents, qui ne connaissent souvent pas la nature des contenus consommés par les adolescents en ligne. D’autant que face aux boîtes noires que sont les algorithmes des réseaux sociaux que fréquentent les ados, difficile de contrer des centaines de milliers de vidéos virales.

Tacler les stéréotypes de genre dès le plus jeune âge

Pour les enseignants anglais, une priorité : s’attaquer aux stéréotypes de genre et débunker les théories masculinistes, une discussion après l’autre. Victoria Howard-Andrews, enseignante dans une école anglaise, explique ainsi à Metro UK que « c’est un problème plus profond, mais ce que nous pouvons faire en tant qu’enseignants, c’est que les jeunes garçons se sentent habilités à dénoncer le sexisme et le racisme chez leurs camarades ». Au programme : cours sur ce que signifie la masculinité, discussions sur les émotions ressenties par les plus jeunes vis-à-vis de ces contenus, mais aussi éducation au numérique. D’autres établissements font appel à des associations extérieures, comme Men at Work ou Bold Voices, qui visent à promouvoir plus d’égalité entre les filles et les garçons.

L’inquiétude concernant le pouvoir d’Andrew Tate sur les plus jeunes s’est poursuivie jusqu’au Parlement britannique. La députée travailliste Alex Davies-Jones s’est fendue d’un discours sur le sujet, alertant les parlementaires sur la nécessité de combattre les discours misogynes dès le plus jeune âge. Car, s’il est obligatoire pour les écoles britanniques d’intégrer des cours traitant des relations filles/garçons et de la vie affective et sexuelle, l’émergence des théories d’Andrew Tate dans les paroles d’élèves oblige les enseignants et les associations à approfondir leurs ateliers. Pour l’heure, il n’y a qu’outre-Manche que les professionnels de l’éducation semblent se pencher sur les discours masculinistes. Par manque de temps, de moyens, ou de connaissance vis-à-vis du phénomène, la popularité des théories masculinistes a du mal à être confrontée.