Twitter : « Méta-Brouteur », le compte qui s’amuse à arnaquer les arnaqueurs

Arroseur arrosé A la manière d’un justicier 2.0, David, alias « Méta-Brouteur » sur Twitter piège avec humour les escrocs du Net

Manon Aublanc
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Le compte "Méta-Brouteur" comptabilise plus de 47.000 followers.
Le compte "Méta-Brouteur" comptabilise plus de 47.000 followers. — Gregory Bull/AP/SIPA
  • Depuis plusieurs années, les arnaques en ligne se multiplient, notamment sur les réseaux sociaux.
  • La plupart du temps, ce sont des « brouteurs », des escrocs en ligne qui opèrent depuis des cybercafés d’Afrique de l’Ouest. Ils se créent de faux profils sur les réseaux sociaux pour soutirer de l’argent à leurs victimes.
  • Pour « piéger ces arnaqueurs », David, 44 ans, a créé un compte Twitter, « Méta-Brouteur », suivi par plus de 47.000 personnes. Chaque jour, il poste ses meilleurs échanges avec les « brouteurs ».

Qui n’a jamais reçu un message d’arnaques sur Facebook, Twitter ou Instagram ? On ne se mouille pas trop en affirmant que c’est arrivé à quasiment tous ceux qui liront ces lignes. Mais lequel d’entre vous s’est amusé à répondre pour prendre l’escroc à son propre piège ? Certains jours, David, passe plusieurs heures à le faire. C’est même devenu l’un des passe-temps favoris de l’homme de 44 ans, à la tête du compte @Méta-Brouteur, suivi par plus de 47.000 personnes.

Depuis une dizaine d’années, il se moque des « brouteurs », ces escrocs en ligne qui opèrent la plupart du temps depuis des cybercafés d’Afrique de l’Ouest. « C’est un terme qui vient de Côte d’Ivoire, qui désigne un mouton qui se nourrit sans rien faire. En d’autres termes, c’est se faire de l’argent facilement », explique David. Dans la plupart des cas, le mode opératoire est le même, ces arnaqueurs se créent de faux profils sur les réseaux sociaux pour soutirer de l’argent à leurs victimes. « Il y a toute une panoplie, qui va de l’escroquerie sentimentale, à l’arnaque à la photo ou à la vidéo sexuelle, à l’emploi ou encore à l’escort », détaille David. Le mot « brouteur » est d’ailleurs l’un des petits nouveaux de l’édition 2023 du dictionnaire Le Petit Robert.


« Le manipulateur manipulé »

Chaque jour, David partage sur son compte Twitter un florilège de ses meilleurs pièges. Il n’hésite pas à faire tourner les « brouteurs » en bourrique en leur donnant des fausses localisations – « Bruxelles en Savoie » –, des faux métiers – « génicologue, j’étudie les lampes antiques » –, en leur faisant recopier des faux captchas – des modèles de vérification d’identité - ou en se faisant passer pour des bots – des robots automatisés. « Je jubile de me dire que je suis en train de les contre-escroquer. C’est le manipulateur manipulé », se réjouit-il.


Si l’homme de 44 ans a créé son compte Twitter il y a un peu plus de deux ans, il pratique ce « jeu » depuis une dizaine d’années : « Ces arnaques existent depuis très longtemps. Au début, je faisais ça par lettres ou par fax, c’est pour vous dire. Ensuite, j’ai commencé à fréquenter des forums de croques escrocs, où des gens comme moi qui trollent les escrocs se donnaient des conseils, partageaient leurs meilleures blagues. Et puis, pendant le confinement, j’ai eu beaucoup de temps libre, alors j’ai lancé ce compte Twitter », explique-t-il.


A chaque nouveau « brouteur », David essaie d’être « inventif ». « Un jour, je joue la victime qui ne comprend rien, l’ignorant, l’autre, je joue au brouteur plus expérimenté qui donne des conseils. J’adore le concept des jeux de rôle, je joue un personnage », explique Méta-Brouteur. D’ailleurs, dès que les « brouteurs » ne jouent pas un personnage, David arrête. « C’est le moment où ça ne me fait plus rire ».


« Je ne suis pas justicier »

Mais Méta-Brouteur insiste, il n’est pas là pour rendre justice. « Mon but premier, c’est l’amusement, je fais ça pour le plaisir. Si quelqu’un se fait avoir, je ne peux pas faire grand-chose. Je ne suis pas justicier. » En revanche, il l’avoue, si ses tweets peuvent aider des gens, c’est un plus : « Je ne fais pas ça pour ça, mais ça peut permettre à des gens de mieux comprendre les mécanismes de ces arnaques. Il y a un côté préventif et pédagogique. »


Et pour cause, si David sélectionne « les échanges les plus croustillants », certains « brouteurs » ne font pas d’erreurs. « Il y en a qui écrivent très bien. Il ne faut pas se dire qu’on les repère forcément. Ce n’est pas une histoire d’intelligence, on a tous des moments de faiblesse, il faut être méfiant. »

Car ces arnaques peuvent toucher tout le monde. A l’image de cette journaliste que connaît David qui s’est fait soutirer 70.000 euros par un « brouteur » rencontré sur une application de scrabble. « Ils agissent souvent sur les réseaux sociaux, Twitter, Instagram, Facebook, mais aussi Le Bon Coin. Et parfois sur des plateformes moins attendues, comme cette application de scrabble », met-il en garde. D’ailleurs, il en est quasiment certain, lui-même « se fera avoir un jour ou l’autre ». Alors, si vous avez quelques minutes, n’hésitez pas à aller faire un tour sur son compte Twitter, on vous promet quelques fous rires.