Twitter : L’arrivée des 4.000 caractères, révolution ou chaos ?

TOUJOURS PLUS LONG Le nouveau patron de Twitter, Elon Musk, s’apprête à augmenter la taille des posts, passant de 280 à 4.000 caractères

Manon Aublanc
Le compte twitter d'Elon Musk, le 28 avril 2022.
Le compte twitter d'Elon Musk, le 28 avril 2022. — Jeppe Gustafsson//SIPA
  • Le nouveau PDG de Twitter, Elon Musk, a laissé entendre qu’il allait augmenter la taille des messages, passant de 280 à 4.000 caractères.
  • En 2017, les posts avaient déjà doublé, abandonnant les 140 caractères historiques, calquer sur le nombre maximum de signes d’un SMS.
  • Pour Stéphanie Laporte, fondatrice de l’agence Otta et directrice de programme en communication digitale à l’Inseec, cette nouvelle fonctionnalité pourrait être « un clou supplémentaire dans le cercueil de Twitter ».

Souvenez-vous. Nous sommes en 2017, Twitter décide de doubler la taille des posts. Fini les 140 caractères - en référence à la longueur maximum d’un SMS –, bonjour les 280 signes. Les internautes sont perdus et crient au scandale (bon, oui, on exagère un chouïa). Cinq ans plus tard, le drama est vite oublié et plus personne ne se dresse contre ce changement. Mais la grogne pourrait vite revenir. Dans une réponse bref à un utilisateur, le nouveau patron de Twitter, Elon Musk, a confirmé qu’il allait augmenter la taille des posts à 4.000 caractères, soit presque l’équivalent d’un article de 20 Minutes. 


Après la certification payante, les licenciements en masse et la réduction de la modération, cette nouvelle fonctionnalité pourrait être « un clou supplémentaire dans le cercueil de Twitter », estime Stéphanie Laporte, fondatrice de l’agence Otta et directrice de programme en communication digitale à l’Inseec. Et pour cause, en allongeant considérablement la longueur des tweets, le multimilliardaire pourrait « nuire à l’esprit de Twitter », met en garde la spécialiste.

Vers un réseau multitâche ?

Car c’est bien cet esprit de microblogging qui a fait le succès de la firme à l’oiseau bleu.  « Twitter, c’est un exercice de concision, de synthétisation. En une ou deux lignes, on a l’information », explique Stéphanie Laporte. Et pour ceux qui voulaient décrypter un sujet un peu plus long, il reste toujours les désormais très célèbres threads, notamment utilisés par les scientifiques pendant l’épidémie de coronavirus. « Aujourd’hui, certains threads font plusieurs milliers de caractères, c’est vrai, mais ils sont rares, ce n’est pas la fonctionnalité centrale de Twitter », ajoute-t-elle.

Selon la spécialiste, le nouveau patron de Twitter entend transformer la plateforme en « un meta réseau social, une plateforme multitâche » dans lequel les contenus publiés seront plus longs. Un jumeau de Facebook en quelque sorte. « Mais si on veut développer un propos, il y a LinkedIn, Facebook ou même les blogs. Twitter, lui, doit rester un espace de synthèse où l’on peut prendre rapidement connaissance d’une information », alerte Stéphanie Laporte. Car cet aspect multitâche, c’est ce qui a causé le déclin de Facebook, selon elle : « A l’inverse, Instagram a percé parce que l’application a été réduite à son seul usage de partage de photos et de vidéos, ce n’est pas noyé dans un océan de possibilité ».

Le risque pour Twitter, c’est bien de perdre une partie de ses utilisateurs. D’abord, la nouvelle génération, « hostile aux contenus à rallonge », selon l’experte, mais également son public historique, attaché à cet esprit de concision. « Si on voit arriver un mur de texte, ça risque d’avoir un effet repoussoir pour les deux générations », poursuit Stéphanie Laporte. D’autant que cette fonctionnalité pourrait perturber également la manière de « scroller » des utilisateurs : « Ça ne va pas être compatible avec un format mobile, le texte va prendre tout l’écran. Forcément, il y aura moins de rétention d’utilisateurs », poursuit-elle.

Si la fonctionnalité n’est pas encore entrée en service, Andrea Conway, la designer de Twitter, a d’ores et déjà partagé ses premières maquettes, donnant un aperçu de ce à quoi pourraient ressembler les messages. Les posts montreront les 280 premiers caractères - la limite actuellement –, puis un bouton « voir plus » pour afficher le texte en entier.

Voilà à quoi pourrait ressembler les posts de 4.000 signes.
Voilà à quoi pourrait ressembler les posts de 4.000 signes. - Capture d'écran du tweet d'Andrea Conway

Des difficultés de modération

L’autre danger, c’est la modération. Devenu l’objet d’inquiétude principale depuis l’arrivée d’Elon Musk, elle pourrait encore se dégrader avec cette nouvelle fonctionnalité. « Maintenant qu’il y a moins d’employés et qu’on va multiplier par vingt la longueur des tweets, les volumes de modération vont être monstrueux », s’inquiète Stéphanie Laporte.

Et avec les problèmes de modération viennent les craintes de la désinformation. Car avec 4.000 signes, certains utilisateurs pourraient poster des articles partiellement repris ou des fake news. D’autres pourraient mettre une information sensationnaliste au début - dans les 280 premiers caractères - pour « finalement proposer un contenu pauvre dans le texte long », craint la spécialiste. « Ça risque d’être trompeur et préjudiciable à la qualité du contenu », ajoute-t-elle.

Néanmoins, l’idée d’Elon Musk ne sort pas de nulle part, répondant aux besoins d’une partie des utilisateurs. En se baladant sur Twitter, il n’est pas rare de tomber sur un tweet comprenant la capture d’écran d’une note, comme Kylian Mbappé ci-dessous.


A l’inverse des threads, utilisés par les experts - scientifiques, médecins, journalistes –, ce sont davantage les personnalités publiques qui utilisent ce subterfuge. Un site existe d’ailleurs pour poster des messages dépassant les 280 caractères : TwitLonger. Voilà, avec 4.872 signes, cet article ressemble déjà un peu à un post du Twitter 2.0.