Cyberharcèlement : Les 18-25 ans, une population à risque qui souffre du manque d’aide spécifique

CYBERHARCELEMENT En cette journée de lutte contre le harcèlement, les jeunes adultes ne sont pas à l’abri des violences présentes en ligne. Au contraire, selon l’association e-Enfance, ils y seraient particulièrement vulnérables.

Pauline Ferrari
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Dans une étude, 49% des jeunes victimes de cyberharcèlement disent avoir pensé au suicide.
Dans une étude, 49% des jeunes victimes de cyberharcèlement disent avoir pensé au suicide. — Clément Follain / 20 Minutes
  • Dans sa récente enquête menée avec la Caisse d'Epargne, l’association e-Enfance s’est penchée sur les cyberviolences et ses conséquences sur les jeunes adultes.
  • Selon cette étude, 60 % des 18-25 ans auraient déjà été victimes de cyberharcèlement : des violences virtuelles aux conséquences bien réelles.
  • Malgré la sensibilisation sur ce sujet, les outils de lutte contre les cyberviolences restent faibles.

Alors que le 10 novembre marque la journée nationale de lutte contre le harcèlement, une étude réalisée par la Caisse d'Epargne et l’association e-Enfance publiée le 8 novembre dernier pointe la vulnérabilité des jeunes adultes aux cyberviolences, et notamment au cyberharcèlement. Si dans son étude de 2021, l’association révélait que 20 % des enfants et ados (6-18 ans) étaient touchés par le cyberharcèlement, l’édition 2022 se centre sur les 18-25 ans, une génération qu’on pense plus protégée face aux formes de violence en ligne. Pourtant, 60 % d’entre eux ont déjà été victimes de cyberharcèlement. « C’est une génération qui connaît les risques, mais qui y sont encore plus exposés » a développé Justine Atlan, directrice d’e-Enfance.

Les 18-25 ans sont des utilisateurs de réseaux sociaux depuis l’adolescence : c’est même l’une des premières générations à avoir eu plusieurs comptes sur différentes plateformes. « C’est la première génération à avoir appris à gérer seule les réseaux sociaux, sans transmission générationnelle sur l’usage du numérique » a ajouté Justine Atlan. D’autant que cette période entre la sortie de l’adolescence et le début de l’âge adulte est particulièrement charnière : précarité, angoisse quant à l’avenir, vulnérabilité en matière de santé mentale… « C’est une population dans un angle mort, selon Justine Atlan. Ce ne sont plus des mineurs, mais ils ne sont pas vraiment préparés à cet âge-là ». Une tranche d’âge vulnérable, qui serait d’autant plus exposée à certains risques en ligne, comme le piratage, la diffusion d’informations personnelles en ligne ou le cyberharcèlement.

49 % des victimes de cyberharcèlement ont déjà pensé au suicide

D’autant que les 18-25 ans ont subi de plein fouet la crise sanitaire et les différents confinements : 90 % d’entre eux estiment dans l’étude d’e-Enfance que leur temps passé en ligne a augmenté. Absence de vie sociale, rentrée dans les études supérieures masque sur le nez et peur permanente du Covid-19, les jeunes adultes ont reporté leurs activités en ligne, des cours aux apéros Zoom. Ce qui a eu pour conséquence d’augmenter certaines conduites à risques. Selon l’étude dévoilée par e-Enfance, s’il n’y a pas de profil type de victimes de cyberharcèlement, chez les 18-25 ans, on retrouve un peu plus d’hommes et une plus grande part de non-diplômés chez les victimes. La plupart sont confrontés à du cyberharcèlement avant 21 ans, à une période où on se construit en tant qu’adulte. Cependant, malgré ces chiffres, il ne faut pas oublier que de manière globale, les femmes et personnes minorisées sont davantage victimes de cyberviolences : selon une enquête de Plan International publiée en 2020, près de 60 % des femmes âgées entre 15 et 25 ans ont été victimes de cyberharcèlement, et 39 % d’entre elles ont déjà été menacées de violences sexuelles en ligne.



L’étude de e-Enfance vise également à rappeler les conséquences bien réelles des violences virtuelles : chez les 18-25 ans, 69 % des victimes de harcèlement déclarent avoir été sujets à des insomnies, des troubles de l’appétit ou du désespoir, 66 % ont exprimé des difficultés dans leur travail ou leurs études, tandis que 51 % ont failli tomber dans des comportements d’addiction (alcool ou drogue). 49 % des jeunes interrogés ont également reconnu avoir pensé au suicide, et 61 % des 18-25 ans ont déclaré avoir du mal à parler de ces questions à leurs proches ou à des professionnels. Même si le sujet du cyberharcèlement est largement traité dans les établissements scolaires depuis plusieurs années, l’étude révèle que les jeunes adultes voient les solutions de sensibilisation comme « insuffisantes », et qu’ils attendent beaucoup plus d’accompagnement, de la part des professionnels de santé mentale ou des associations.

Quels outils face au cyberharcèlement ?

Si l’étude de la Caisse d'Epargne et d’e-Enfance révèle des chiffres marquants, elle dénote aussi de la faiblesse des systèmes de prévention et d’accompagnement contre les cyberviolences chez le public adulte. Toujours selon l’étude, les 18-25 ans seraient 62 % à vouloir un suivi psychologique plus renforcé, et 52 % de l’aide apportée par une association spécialisée dans le domaine. e-Enfance a d’ailleurs révélé quelques chiffres sur son fonctionnement : joignable en ligne ou par téléphone au 3018, l’association qui compte une dizaine d’écoutants reçoit 24.000 appels par an, soit une moyenne de 80 appels par jour, un chiffre en constante augmentation. L’association peut également supprimer des propos et contenus en ligne en passant directement par les plateformes, en moins d’une heure : en 2021, elle a supprimé près de 7.000 comptes et contenus. Elle a même récemment lancé son application 3018, équipée d’un coffre-fort numérique sécurisé pour stocker d’éventuels éléments de preuves à présenter aux forces de l’ordre.

Face au cyberharcèlement, s’il n’existe pas de solutions miracles, certaines solutions peuvent être mises en place pour se protéger : signaler les contenus problématiques, bloquer les comptes indésirables, ne pas oublier de conserver des preuves, et passer ses réseaux sociaux à une personne tierce du temps que cela se calme. Mais surtout, si on est victime de cyberharcèlement, on peut porter plainte : c’est un délit puni de deux ans de prison et 30.000 € d’amende. Les victimes peuvent s’adresser à des associations, mais aussi à Pharos, la plateforme du Ministère de l’Intérieur qui permet de signaler des contenus illicites en ligne. Les solutions existent, mais les victimes restent souvent seules face à leurs harceleurs. Encore aujourd’hui, les condamnations pour cyberharcèlement sont rares.