Jeux vidéo : Bourses, mentorats... Face au manque de diversité du secteur, les associations innovent

Inclusivité Alors qu’en France, les studios de jeux vidéo rassemblent des employés globalement homogènes, des associations tentent de valoriser des profils diversifiés

Pauline Ferrari
Illustration d'une manette pour un jeu vidéo
Illustration d'une manette pour un jeu vidéo — Canva / 20 Minutes
  • L’industrie vidéoludique reste globalement assez homogène. Face à cette problématique, les associations tentent de trouver des systèmes innovants.
  • Programmes de mentorat, bourses, accompagnement… Des associations comme Afrogameuses ou Loisirs Numériques tentent de changer les choses.
  • Malgré ces initiatives, l’industrie du jeu vidéo reste timide dans ses politiques d'inclusion.

22%. C’est la proportion de femmes qui travaillaient dans les studios de jeux vidéo en France en 2021, selon le Baromètre Annuel du Jeu Vidéo du Syndicat National du Jeu Vidéo (SNJV). Si le chiffre progresse depuis plusieurs années, il reste bien faible. Au-delà du manque de parité, l’industrie vidéoludique souffre d’un manque de diversité. Dans les studios de jeux vidéo, les profils se suivent et se ressemblent : des hommes, souvent blancs, hétérosexuels, issus de classes moyennes supérieures ou privilégiées, ayant fait de grandes écoles privées. « De mon constat, c’est un domaine qui est réputé pour son entre-soi, tout le monde se connaît, c’est un milieu ouvert mais où les mêmes ont les meilleures places » explique Mickaël Newton, fondateur de l’association Loisirs Numériques.

La représentativité dans les studios de jeux vidéo a un réel impact sur les jeux et les joueurs eux-mêmes, explique Léa Kourouma, chargée de projet mentorat et insertion au sein de l’association Afrogameuses, qui lutte pour une meilleure représentation dans le jeu vidéo, notamment des femmes et personnes afro-descendantes : « S’il n’y a pas de personnes venues d’horizons différents, c’est dur d’avoir des représentations de personnages et d’univers différents dans les jeux ». Et pour ceux et celles qui arrivent dans les écoles de jeux vidéo, l’entrée dans le monde professionnel, du stage au premier emploi en passant par l’alternance reste complexe. « On veut donner cette opportunité à plein de personnes », explique Léa Kourouma. Alors face à la difficile ouverture de l’industrie vidéoludique, des associations tentent de proposer des programmes inédits.

Mentorat, bourses, rencontres : de nouveaux systèmes pour diversifier l’industrie

Parmi eux, le programme de mentorat lancé par Afrogameuses, baptisé Elevate : entièrement gratuit, ce programme 100 % en ligne de cinq mois vise à créer des duos de mentors et mentoré.es qui se réuniront au moins une fois par mois pour échanger autour d’objectifs professionnels et de questions. De novembre jusqu’en mai, dix binômes de professionnels et étudiants souhaitant intégrer le monde vidéoludique seront suivis par l’association, qui proposera aussi des masterclass autour de cette communauté d’entraide. « Le mentorat est encore un concept un peu méconnu en France, et puis on sait que beaucoup de gens n’ont pas les moyens de payer une formation de coaching. On voulait quelque chose d’accessible pour tous, à destination des gens qui nous ressemblent » développe Léa Kourouma. Avec le mentorat, l’association espère susciter de l’échange, du partage de contacts, mais surtout permettre de valoriser des profils différents de ceux proposés par les grandes écoles du jeu vidéo.



« Parmi les meilleures écoles du secteur, ce sont des écoles privées, payantes : on voulait faire la courte échelle à ces jeunes qui ont des difficultés à entrer dans ces écoles » soutient Mickaël Newton chez Loisirs Numériques. Avec la Bourse Jeux Vidéos, l’association accompagne depuis 2020 entre 5 et 7 étudiants par an pour qu’ils poursuivent leurs études dans le secteur vidéoludique. Une aide financière à destination de celles et ceux venant de milieux populaires ou de groupes marginalisés. « Chaque année, on a entre 250 et 350 dossiers de candidature : c’est alarmant et il faut tirer la sonnette d’alarme » soupire Mickaël Newton. Durant toutes leurs études, les étudiants de la Bourse Jeux Vidéo sont accompagnés par l’association, et ce jusqu’à leur premier emploi. L’association compte dans ses partenaires plusieurs studios de jeu vidéo, pour donner un coup de pouce aux étudiants pour entrer dans le monde du travail.

Les efforts parfois timides de l’industrie vidéoludique

Le constat de manque de diversité dans le milieu du jeu vidéo n’est pas nouveau : cela fait plusieurs années que diverses associations ou syndicats alertent sur l’homogénéité du secteur. Mais le développement de ces programmes de mentorat ou de bourses rend l’action bien plus concrète. « J’ai l’impression que la phase de prise de conscience, on est en plein dedans. Il y a ce constat de faire mieux, de trouver des solutions et comment le faire de la manière la plus authentique possible. On sent que beaucoup d’entreprises ne savent pas forcément comment faire » pointe Mickaël Newton. Mais pour lui, la mise en place d’actions de la part des associations n’est pas toujours bien vue. « Dès qu’on dit qu’il y a un problème dans le jeu vidéo, ça fait grincer des dents. Il faut trouver le bon équilibre pour être militants sans se faire targuer de coercitifs ou de communautaire » ajoute-t-il.



Pour Mickaël Newton, la Bourse Jeux Vidéo est « ce chaînon manquant » pour que des personnes considérées comme marginalisées puissent atteindre les instances de décision. Du côté d’Afrogameuses, si leur programme de mentorat démarre à peine, elles souhaitent qu’il devienne pérenne. « On ne veut pas lâcher ce projet, que ce soit un rendez-vous pour toutes les personnes issues de minorités qui ont du mal à trouver un emploi dans le jeu vidéo. C’est aussi dire : la solution est là, on est là et on ne vous lâchera pas » souligne Léa Kourouma. En attendant que les grands studios améliorent leurs recrutements et leurs politiques, du côté des associations, on ne lâche rien pour voir naître une industrie ludique bien plus représentative… À l’image de ses joueurs et joueuses.