« Les addictions sont des pathologies »
Toxicomanie, dépendance à la cigarette ou à l'alcool... Considérés comme des « vices », ces comportements relèveraient d'une maladie, selon les spécialistes du Neurocentre Magendie, situé sur le campus de Bordeaux-2. Son directeur, Pier-Vincenzo Piazza, et son adjointe Véronique Deroche, organisent un congrès à Arcachon jusqu'à vendredi, consacré aux effets des drogues sur le cerveau et aux traitements possibles. Demain soir, ils animeront une conférence grand public (18h).
Les addictions seraient donc une maladie, comme la dépression ?
Tous les travaux présentés sur le congrès soutiennent cette hypothèse. Nous disposons de nombreuses données, en imagerie notamment, qui montrent qu'à un certain stade de dépendance, le cerveau dysfonctionne. Le processus de prise de décision est altéré. Ce n'est plus le sujet qui choisit librement, mais son cerveau qui décide. Inconsciemment, on se met à chercher la substance. L'exemple des fumeurs qui essayent d'arrêter la cigarette est très parlant : il y a un taux de rechute considérable.
Sommes-nous tous égaux face à la dépendance ?
Non, il y a des personnes plus vulnérables que d'autres. On évalue à 20% les gens qui tombent dans l'alcoolisme ou l'addiction aux drogues dures. Pour la cigarette, ce taux monte jusqu'à 35%.
Les addictions à la drogue ou au jeu répondent-elles aux mêmes mécanismes ?
Pour les jeux d'argent, on s'est aperçu que l'état cérébral d'un joueur était similaire à celui d'un cocaïnomane. À Bordeaux, on s'intéresse surtout à l'alcool et aux drogues dures. Mais un nouveau champ de recherche sur l'obésité est en train de s'ouvrir, sous l'angle de la dépendance à la nourriture.
Les comportements addictifs nécessiteraient donc une réponse médicale, plutôt que pénale ?
Il faut pénaliser le trafic de drogue, mais incarcérer le consommateur n'est pas la bonne stratégie. On ne met pas les dépressifs en prison ! Nous préconisons une prise en charge personnalisée, car la dépendance répond à des facteurs propres à chacun. Et les bio-marqueurs permettent de voir quels traitements sont les plus adaptés.