Bordeaux : Pour les riverains, l’aéroport est sur la mauvaise piste pour se relancer
INFRASTRUCTURE Le projet de fermer la deuxième piste de l’aéroport de Bordeaux-Mérignac, pour concentrer le trafic sur la piste principale, inquiète les communes riveraines qui se mobilisent
- L’aéroport de Bordeaux-Mérignac doit remettre dans le courant de l’année 2022 son schéma de composition générale au ministère des Transports, sorte de feuille de route pour le développement de l’infrastructure ces prochaines années.
- Pour réorganiser l’espace de la plateforme, l’éventualité de fermer la seconde piste est sur la table.
- Un projet qui inquiète les communes du quart nord-ouest de l’agglomération de Bordeaux, qui supporteraient alors 100 % du trafic aérien.
Le sujet commence à faire du bruit, et vient perturber le projet de relance de l’aéroport de Bordeaux, touché de plein fouet par la pandémie. La question de la fermeture de la seconde piste, appelée aussi piste sécante, inquiète fortement les communes riveraines de l'aéroport, notamment Eysines, Le Haillan, Saint-Jean-d’Illac, Bruges, Blanquefort et Parempuyre. Avec l’association Halte à l’accroissement des nuisances sonores, elles organisaient samedi au Haillan une réunion publique qui a rassemblé quelque 200 personnes. Une pétition, rassemblant plus de 800 signatures, a également été lancée.
L’aéroport de Bordeaux doit rendre en 2022 au ministère des Transports sa feuille de route portant sur le développement de la plateforme aéroportuaire de ces prochaines années. En ligne de mire : atteindre un trafic de 16 millions de passagers d’ici à 2035.
Le record de trafic avait été établi en 2019 avec 7,7 millions de passagers, avant de s’écrouler en raison de la pandémie. Il est toutefois remonté à un peu plus de trois millions en 2021, et l’aéroport espère atteindre les cinq millions en 2022. En 2019, le trafic représentait environ 84.000 mouvements aériens, répartis à 85 % sur la piste principale, la piste sécante absorbant les 15 % restants.
« Peut-être faut-il réfléchir à un modèle de développement un peu différent »
Pour préparer ce projet de développement, il est nécessaire de repenser l’organisation actuelle de la plateforme aéroportuaire. Parmi les scenarii sur la table, « un porte sur le maintien des deux pistes actuelles, un deuxième sur la suppression de la piste sécante, et un troisième sur la suppression de la piste sécante et un doublement de la piste principale » résume la maire d’Eysines Christine Bost.
C’est l’Etat qui, au final, tranchera entre ces différentes options. Mais celle de la suppression de la piste sécante, qui serait transformée en taxiway pour les avions, semble à ce jour tenir la corde. Ce qui voudrait dire que l’intégralité du trafic serait supporté par la piste principale. « En gros, on nous propose de multiplier par 2,5 le trafic, en faisant la part belle aux low-cost, et que les 80.000 personnes situées sous le couloir aérien de la piste principale en prenne 100 %, s’étrangle Christine Bost. C’est déjà assez insupportable à certains moments, alors nous, on dit que la coupe est pleine. »
« Nous reconnaissons l’aéroport comme un outil de développement économique, tempère l’élue, mais peut-être faut-il réfléchir à un modèle de développement un peu différent, sachant que deux pistes, cela permet de répartir la nuisance. »
« La problématique du bruit est la portion congrue de l’analyse »
Le nouveau directeur de l’aéroport, Simon Dreschel, promet que « rien n’est fait » concernant ce projet. Il assure aussi que ce sujet ne sera pas géré « uniquement avec une approche technique » et qu’il est « à l’écoute des élus et des habitants » pour « limiter les nuisances sonores de l’aéroport ». « On va remettre une étude aux services de l’Etat, qui seront amenés à prendre une décision, mais nous sommes au service du territoire, et nous voulons être connectés aux communes autour de l’aéroport. »
Avec un projet de panneaux photovoltaïques sur certains parkings de l’aéroport, l’arrivée du tramway prévue début 2023 qui s’accompagnera de la création d’une coulée verte, l’amélioration de l’accessibilité, Simon Dreschel insiste sur l’aspect environnemental du schéma de composition générale qu’il est en train d’élaborer, et demande que l’on ne résume pas le projet de développement à cette question de la piste sécante.
« C’est l’aéroport de demain que l’on prépare, avec des questions liées à la distribution des biocarburants, à l’équipement d’une station à hydrogène, à l’impact énergétique de nos bâtiments… Et nous voulons aussi faire de l’aéroport un véritable lieu de vie. » Le terminal Billi, dédié aux vols low-cost et qui doit rouvrir à la fin du premier semestre, verra par ailleurs la capacité de ses salles d’embarquement augmenter. « On a le sentiment que ce qui prévaut est de développer le trafic aérien, et que la problématique du bruit est la portion congrue de l’analyse », peste pour sa part Christine Bost.
« Il y aura des avancées sur les vols de nuit »
Ce n’est pas tout. La question des vols de nuit est aussi en train de s’inviter dans les débats. « L’aéroport de Mérignac est un des derniers aéroports de France à n’avoir aucune restriction nocturne, lance la maire d’Eysines. On comprend que c’est un atout de commercialisation, et notamment auprès des low-cost, mais c’est aussi parfois insupportable pour les riverains. »
Des riverains qui subissent en plus les essais des Rafale sortis tout droit des usines Dassault, situées juste à côté de l’aéroport. « Ces vols de qualification des pilotes viennent se rajouter au mille-feuille des difficultés que l’on rencontre » se désole l’élue.
« Nous travaillons avec l’Etat sur la réduction des nuisances, et les vols de nuit en font partie, assure Simon Dreschel. Il y aura des avancées sur ce point, c’est indéniable, mais je plaide pour le bon sens, et qu’on ne mette pas en danger l’activité économique des compagnies qui ont parfois des bases ici, et qui peuvent faire revenir des avions de manière tardive. Il est important de maintenir les emplois qui sont en jeu. »