Bordeaux : L’ancienne distillerie La Vieille Cure bientôt transformée en « Food Factory », « ovni » de la transition alimentaire

INNOVATION Le bâtiment de la distillerie La Vieille Cure, à Cenon, sera réhabilité à partir de 2021 pour accueillir le projet « Food Factory » sur la transition alimentaire, porté par un groupement d’entreprises

Mickaël Bosredon
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Le projet Food Factory, dans l'ancienne distillerie de La Vieille Cure dans la banlieue de Bordeaux, comportera un restaurant
Le projet Food Factory, dans l'ancienne distillerie de La Vieille Cure dans la banlieue de Bordeaux, comportera un restaurant — MixCité/KingKong
  • Cette distillerie fabriquait au XXe siècle une liqueur locale, La Vieille Cure, composée notamment de 52 plantes aromatiques.
  • Abandonné depuis la fin des années 2000, le site a fait l’objet d’un appel à manifestation d’intérêt de la part de la ville de Cenon, remporté par un groupement d’entreprises mené notamment par MixCité.
  • L’objectif du projet « Food Factory » est de réunir sur le site des acteurs de la transition alimentaire, un restaurant ou encore un centre de formation, pour répondre aux enjeux de « nourrir la métropole » avec des produits de proximité.

Des structures dessinées par les ateliers Eiffel, une façade en brique vernie, des bâtiments aux volumes généreux… Dès la mise en vente de l’ancienne distillerie La Vieille Cure, à Cenon, la mairie a « immédiatement identifié le potentiel de ce patrimoine », et préempté le site, en 2016.

Le bâtiment de la distillerie La Vieille Cure, à Cenon, sera entièrement réhabilité dans le cadre du projet Food Factory
Le bâtiment de la distillerie La Vieille Cure, à Cenon, sera entièrement réhabilité dans le cadre du projet Food Factory - Mickaël Bosredon/20Minutes

La municipalité opte alors « en faveur d’un projet privé tourné vers l’économie sociale et solidaire » explique au nom de la ville de Cenon Maxime Derrien, chef de projet urbain pour le GPV (Grand Projet des Villes-Rive-Droite). « Il fallait aussi que le site accueille du public. » Quatre ans plus tard, et après un appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé en 2018, le groupement « Food Factory », lauréat en 2019, peaufine les derniers détails de son projet, avant le démarrage des travaux de réhabilitation de la distillerie, prévus au cours du premier semestre 2021.

Une conserverie pour transformer les surplus alimentaires

Difficile de résumer le concept. Souvent présenté comme un « temple de la gastronomie », il s’agit davantage d’un écosystème autour de la transition alimentaire, l’ambition n’étant pas tant la prouesse culinaire, que de répondre à des enjeux sociétaux tel que le développement d’une chaîne d’alimentation de proximité pour la métropole.

Image de synthèse du projet de réhabilitation de la distillerie La Vieille Cure à Cenon
Image de synthèse du projet de réhabilitation de la distillerie La Vieille Cure à Cenon - MixCité/KingKong

Chaque corps de bâtiment aura une fonction spécifique. Sur une idée du chef du Prince Noir, à Lormont, Vivien Durand, il y aura ainsi un centre de formation pour les métiers de bouche, piloté par l’Infa de Gradignan et l’Umih (Union des métiers et de l’industrie de l'hôtellerie), et axé notamment sur la découpe des produits, ainsi qu’un restaurant en lien direct avec ce centre, qui se voudra « populaire », avec « des produits locaux de qualité ». Une conserverie aura pour objectif de transformer des surplus alimentaires, et une légumerie en lien avec l’agriculture urbaine découpera et transformera les légumes pour les livrer auprès des cantines scolaires de la ville.

Un espace de coworking de 2.600 m2 destiné à des professionnels travaillant autour de l’alimentaire, et un incubateur pour des start-up sur cette thématique de la nourriture, compléteront ce vivier qui doit accueillir en tout 350 à 500 personnes.

Le projet Food Factory prévoit un espace de coworking de 2.600 m2
Le projet Food Factory prévoit un espace de coworking de 2.600 m2 - MixCité/KingKong

Une salle culturelle, qui accueillera des spectacles, des concerts et qui pourra recevoir des entreprises, une boutique, et une distillerie de gin portée par François Lurton - un clin d’œil à l’histoire du site - feront également vivre le lieu, qui pourra aussi accueillir des animations, tels que des marchés paysans. Bref, la « Food Factory » est un « ovni », comme le qualifie Maxime Derrien.

« Faire du site un point de rendez-vous de tous les professionnels de l’alimentaire »

L’ensemble du projet est piloté par un groupement constitué d’un promoteur, MixCité, d’un maître d’œuvre – le cabinet d’architectes bordelais KingKong –, d’un investisseur – Koregraf, financement d’opérations et de construction de logement – et d’un exploitant –Tauziet and Co, une plateforme numérique qui met en relation environ un millier de producteurs de Nouvelle-Aquitaine avec des consommateurs.

Vincent Sillègue, président de Koregraf et de Tauziet and Co, et Christophe Muller, président de MixCité, ont voulu répondre à cet enjeu de « nourrir la métropole », lorsqu’ils ont répondu à l’appel à manifestation d’intérêt. « C’est là qu’on a eu cette idée d’écosystème autour des métiers de bouche », explique Christophe Muller. « L’objectif est de faire du site un point de rendez-vous de tous les professionnels de l’alimentaire », ajoute Vincent Sillègue.

La production de la Vieille Cure a perduré jusqu’en 1982

Si le bâtiment principal de la Vieille Cure date de 1909, l’histoire de la liqueur remonte bien plus loin, certainement au XIIIe siècle, avec une communauté de moines qui avait installé une distillerie à côté de l’église. Cet alcool était composé d’un mélange de 52 plantes aromatiques avec du cognac, de la fine de champagne, de l’armagnac, du miel et du sirop de sucre. « L’activité a connu un très grand essor entre 1930 et 1952, raconte Maxime Derrien, mais après la Seconde Guerre mondiale, les goûts évoluent, et une concurrence s’établit avec les alcools américains et anglais. »

Le site est racheté à deux reprises, en 1962 puis en 1982, date de la fin définitive de la production de La Vieille Cure. L’activité économique s’arrête en 1987, même s’il y a eu jusqu’en 2009 des tentatives d’exploitation partielles du site. Le bâtiment est depuis laissé à l’abandon, et se trouve régulièrement squatté.

Le bâtiment de La Vieille Cure est à l'abandon depuis la fin des années 2000
Le bâtiment de La Vieille Cure est à l'abandon depuis la fin des années 2000 - Mickaël Bosredon/20minutes

« Révéler ce patrimoine, en l’emmenant aux XXIe siècle »

L’ensemble du projet « Food Factory » se développera sur 5.300 m2, avec l’ambition « de révéler ce patrimoine, en l’emmenant au XXIe siècle » raconte Maxime Derrien. « Il reste des choses à préserver, comme les structures de type Eiffel », assure Christophe Muller. Le restaurant sera installé dans une halle vitrée, qui surplombe le parc des Coteaux. « Nous allons aussi conserver certains graffs réalisés ces dernières années à l’intérieur des bâtiments, en les déplaçant pour pouvoir les intégrer dans les espaces de bureaux et de coworking » ajoute le patron de MixCité.

Les volumes du bâtiment de La Vieille Cure permettront différents usages au projet Food Factory
Les volumes du bâtiment de La Vieille Cure permettront différents usages au projet Food Factory - Mickaël Bosredon/20Minutes

Le montant de l’investissement total pour la réhabilitation n’a pas été dévoilé, mais se situerait autour des 13 millions d’euros. « Il est en tout cas bouclé » assure Christophe Muller. Le groupement d’entreprises vise une ouverture du site d’ici au troisième trimestre 2022.