Bordeaux: Les étudiants face à une grave pénurie de logements en cette rentrée

LOGEMENT Les étudiants éprouvent beaucoup de difficultés à se loger dans la capitale girondine. Les prix des appartements ont beaucoup grimpé et une part des logements est captée par Airbnb…

Elsa Provenzano
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Les étudiants bordelais peinent à trouver un logement correct.
Les étudiants bordelais peinent à trouver un logement correct. — G . VARELA / 20 MINUTES
  • Un appel a été lancé aux propriétaires par le recteur de l’académie afin qu’ils louent leurs logements à des étudiants.
  • Un conseiller municipal d’opposition attribue cette situation en partie au phénomène d’ « airbnbisation » de la ville, et lance une campagne à ce sujet.

En cette rentrée universitaire, beaucoup d’étudiants bordelais ou néobordelais se retrouvent sur le carreau dans leurs recherches de logement. Un appel vient d’être lancé par Olivier Dugrip, le recteur de l’académie, auprès des propriétaires pour qu’ils louent leurs logements aux étudiants, lors de sa conférence de rentrée. La vice-présidente de l’université de Bordeaux en charge de la vie étudiante, Nicole Rascle, a même pour sa part sollicité la solidarité de la communauté étudiante, sommant les personnels de l’université disposant d’une chambre ou d’un logement à louer aux étudiants. Un problème bordelais, puisque les campus de Périgueux, Pau et Poitiers ne connaissent pas les mêmes difficultés.

« Je n’ai pas pu visiter un seul appart »

Solène, 21 ans, fait partie des étudiants qui s’échinent encore à dégoter un appartement début octobre : « J’ai commencé à chercher mi-août car avant j’étais en stage à l’étranger. C’est simple, je n’ai pas pu visiter un seul appart car les propriétaires sont pris d’assaut et ont des dizaines et des dizaines de personnes qui les contactent, et ils finissent par stopper les visites. Un jour j’ai vu une annonce seize minutes après sa parution, j’ai appelé et le propriétaire avait déjà sept visites programmées et a préféré s’arrêter là. Pour le moment, j’habite chez les parents de mon copain. La situation n’est pas idéale mais je ne suis pas à la rue, c’est déjà ça… »

Eric, 45 ans, est propriétaire d’un T2 et il confirme qu’il a été vite dépassé par le nombre de demandes. « En vingt minutes j’ai reçu 30 appels, raconte ce propriétaire d’un 50 m2 avec parking à 745 euros aux Chartrons, après l’avoir mis à la location sur le Bon Coin mi-septembre. Beaucoup d’étudiants et de jeunes travailleurs. J’ai dû retirer l’annonce du site au bout de trente minutes car je n’arrivais plus à gérer la demande. J’ai organisé cinq visites le lendemain matin et il était reloué. Je savais que le marché de l’immobilier était tendu à Bordeaux, mais je n’avais pas conscience que c’était à ce point-là. Tous les candidats avec qui je me suis entretenu cherchaient depuis pas mal de temps, et tous étaient en situation d’urgence extrême. »

Une pénurie observée pour la deuxième année consécutive

« Ce n’est pas la première année qu’il y a une pénurie de logements étudiants, cela a émergé l’an dernier et s’aggrave en cette rentrée, commente Nicole Rascle. On organisait un appart dating en septembre mais on y a renoncé cette année car il y avait dix fois plus de demandes que d’offres. » Les étudiants en première ligne sont les étudiants étrangers qui ne sont pas en convention Erasmus et ceux qui viennent des DOM-TOM. Ils sont confrontés à des exigences très fortes en matière de caution et de garanties de la part de propriétaires inquiets.

« Ce n’est pas forcément un problème de tarifs, souligne Nicole Rascle, mais de nombre d’offres. Même les étudiants qui veulent faire de la colocation ont du mal à trouver. » « Je suis inscrite sur tous les sites de colocation de Bordeaux mais c’est blindé, confirme Mallaury, étudiante de 22 ans. Et passer par une agence ça ne sert à rien, parce qu’ils n’ont rien à louer et ce n’est pas seulement un problème sur Bordeaux mais sur toute l’agglomération. »

« Les offres dont nous disposons sont divisées par trois, abonde Pascal Jarty, directeur du centre information jeunessse Aquitaine (CIJA). Tous les étudiants sont touchés et certains sont contraints de dormir dans leurs voitures ». Dans son rôle de conseil et d'accompagnement des étudiants, le CIJA les incite à chercher au-delà de Bordeaux, sur des communes desservies par le tramway mais aussi un peu éloignées du campus. 

Le phénomène Airbnb aggrave la situation 

Si l’effectif des étudiants inscrits à l’université est en augmentation d’un millier environ cette rentrée, cela ne suffit évidemment pas à expliquer cette situation. L’académie de Bordeaux accueille environ 90 000 étudiants dont 56 000 à l’université et, s’ils peinent à se loger, on peut penser qu’il s’agit d’une crise plus globale du logement. « L’augmentation démographique, l’attractivité de la ville, le manque de logements sociaux expliquent en partie la situation, estime Matthieu Rouveyre, conseiller municipal socialiste. Un autre phénomène vient considérablement aggraver la crise à Bordeaux, il s’agit de la location de vacances en meublé de tourisme. » « Il y a peut-être une concurrence touristique, avance Nicole Rascle, les offres ne sont plus consacrées au logement étudiant. »

La municipalité a annoncé la mise en place d’une réglementation sur les logements Airbnb à partir de mars 2018, mais le conseiller pointe la difficulté des contrôles en la matière et le fait qu’après sa mise en place à Paris il n’y ait pas eu « d’effets notables ». Dans le but d’éveiller les consciences sur ce phénomène qui pose la question du droit à la ville et de consulter les habitants sur ce qui serait pour eux un Airbnb responsable, l’association le Laboratoire bordelais lance une campagne sur le sujet. Des données issues de l’observatoire Airbnb y sont mises en avant, notamment le fait que, en matière de foncier, Bordeaux est devenu la deuxième ville la plus chère de France après Paris et les prix à la location ont augmenté en un an, en moyenne de 11 %.

Au sein de la communauté universitaire, et en réponse à l’appel lancé par la vice-présidente, une dizaine de personnes se sont manifestées. « Mais ce n’est qu’une petite goutte d’eau par rapport à l'ampleur du problème », a commenté Nicole Rascle.