Nouvelle Aquitaine: Où en est-on des mesures de compensation écologique autour de l’A65 ?

ENVIRONNEMENT Des sénateurs, membres d'une commission chargée d'évaluer les efforts des aménageurs en matière de restauration de l'environnement, sont venus sur le terrain en Gironde...

Elsa Provenzano
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Autoroute A65.
Autoroute A65. — SEBASTIEN ORTOLA

Replanter des prairies, des arbres, aménager des mares ou des passages pour le vison d’Europe, une espèce protégée, voici des exemples de mesures compensatoires, censées venir équilibrer le bilan environnemental de grands projets dont les emprises détruisent des espaces naturels.

« On ne cherche pas de scandale mais juste à savoir ce qui se passe en matière de compensation sur des projets, à différents stades », prévient le sénateur écologiste Ronan Dantec, rapporteur de la commission d’enquête sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d’infrastructures, créée à l’initiative de son groupe. La commission s’est déplacée en Gironde vendredi pour rencontrer les maîtres d’ouvrage de la LGV Bordeaux Paris et de l’autoroute A65 afin de réaliser un état des lieux.

Le calcul de la dette écologique des aménageurs se base sur la taille des espaces détruits : 5.000 hectares pour le projet de LGV et 150 kilomètres pour l’A65. Mais il ne s’agit pas de restaurer un hectare pour un hectare impacté, le calcul prend en compte les espèces qui vont pâtir de la destruction de leurs habitats. A’lienor devra environ compenser 1.400 hectares pour l’A65.

« Une perte sèche sous l’enrobé de la route »

L’aire d’autoroute de Captieux sur l’A65, construite après le Grenelle de l’environnement, est située en plein milieu d’une zone favorable au fadet des laîches, une espèce de papillon protégée. « Il y a eu une pression des communes pour que l’aire, qui génère des recettes, soit implantée sur leurs territoires donc elle n’est pas forcément au meilleur endroit », relève Ronan Dantec.

Un site de compensation, une lande humide, a été aménagé par la CDC Biodiversité, filiale de la Caisse des dépôts à qui le maître d’ouvrage a confié la mise en œuvre de la compensation, près de Captieux. « Les équipes font de leur mieux », estime Philippe Barbedienne, président de la Sepanso (fédération d’associations environnementales), qui a visité le site avec le rapporteur de la commission. Pour autant il a de très fortes réserves sur le principe même de la compensation : « Le territoire compensé existe déjà. Alors, on peut l’améliorer sous certaines caractéristiques mais il y a une perte sèche sous l’enrobé de la route », fait valoir Philippe Barbedienne.

« On ne peut jamais tout compenser. La fragmentation du territoire par exemple, ne peut pas être compensée, affirme le président de la Sepanso. Et les boisements anciens qui ont été défrichés, au mieux ceux qui seront replantés auront 60 ans à la fin de la concession. C’est pour cela que la Sepanso, les sylviculteurs et d’autres associations avaient déposé plusieurs recours contre la déclaration d’utilité publique du projet. »

Quelles garanties d’efficacité ?

« La compensation fonctionne sur une base surfacique, ce qui n’est pas un mauvais système », estime de son côté Ronan Dantec. Mais il reconnaît des problèmes dans la mise en œuvre de ces mesures. Par exemple, le fait qu’il n’existe aucune garantie que les espaces naturels aménagés soient colonisées par les espèces visées. « Ce sera facile d’évaluer les recolonisations, en comptant les tritons dans les mares par exemple, mais plus compliqué de comprendre pourquoi cela a marché ou pas ». Si les efforts des maîtres d’ouvrage sont « louables » selon Philippe Barbedienne, il rappelle que ce sont des obligations légales. Ces mesures de compensation étaient déjà inscrites dans la loi de juillet 1976, mais peu prises en compte, et ont été renforcées dans la dernière loi sur la biodiversité de 2016.

« On ne peut plus tolérer de perdre de la biodiversité, assure Ronan Dantec. Tous les acteurs (agriculteurs, scientifiqued, aménageurs, naturalistes et associations etc.) doivent arriver à un compromis pour que cela fonctionne. » Si les aménageurs, qui sont des financiers, sont de plus en plus conscients de la nécessité d’investir dans ce domaine, ils sont plus réticents sur les dépenses de « fonctionnement » de ces mesures, le temps de leurs concessions. « Demain, si les maîtres d’ouvrage ont une vision plus claire des coûts, cela les fera réfléchir », espère Ronan Dantec. Le rapport de cette commission sera rendu mi-avril.