Un risque de refroidissement de l'Atlantique Nord plus fort que prévu, selon des chercheurs du CNRS et de l'université de Bordeaux

ENVIRONNEMENT Les travaux de scientifiques sur la mer du Labrador montrent que les changements climatiques pourraient conduire dès le XXI e siècle à une baisse de température dans l'Atlantique Nord...

Elsa Provenzano
Un groupe de chercheurs a mis au jour un risque accru de refroidissement des eaux de l'atlantique Nord au XXIe siècle.
Un groupe de chercheurs a mis au jour un risque accru de refroidissement des eaux de l'atlantique Nord au XXIe siècle. — Giovanni Sgubin /EPOC

Fin 2014, dans le cadre du projet européen EMBRACE, des chercheurs du CNRS de l’université de Bordeaux et de l’université de Southampton (météorologues, informaticiens et océanographes) se sont penchés sur 40 modèles informatiques d’évolution du climat, en s’intéressant en particulier à la zone de l’Atlantique nord. Les résultats de leurs travaux, publiés ce mercredi 15 février dans la revue « Nature Communications »  montrent que le risque d’un refroidissement rapide au XXIe siècle de l’Atlantique nord est revu à la hausse.


« La possibilité d’un refroidissement abrupt est très connue, beaucoup d’études sur ces sujets montrent qu’une interruption de la circulation thermohaline (circulation océanique à grande échelle engendrée par les différences de densité de l’eau de mer et dont le gulf stream fait partie) est possible mais il s’agissait de modèles climatiques conceptuels alors que là, on se base sur des modèles plus complexes », explique Giovanni Sgubin, océanographe à l’université de Bordeaux qui a participé à cette étude.

« Nos résultats ne sont pas incompatibles avec ceux du GIEC »

En 2013, en se basant sur les projections de ces modèles climatiques de dernière génération, ce refroidissement était jugé improbable au cours du XXIe siècle par les équipes du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). « Nos résultats ne sont pas incompatibles avec ceux du GIEC qui dit que l’interruption de la circulation thermohaline est improbable, précise ce chercheur. On dit la même chose mais en plus, on prend en compte un autre phénomène, celui de la convection dans la mer du Labrador (située au nord-ouest de l’Atlantique nord) ».

La convection désigne le phénomène selon lequel en hiver, lorsque les températures sont très froides sur cette mer du Labrador, les eaux de surface augmentent leur densité et partent en profondeur. « A travers un mélange vertical, le transfert de chaleur se fait vers la surface, vers l’atmosphère », précise le chercheur. Un phénomène déterminant car il empêche la formation de banquise. Le changement climatique augmente la température globale et fait baisser la salinité de la mer du labrador, mettant en péril ce phénomène de convection et les échanges de chaleur associés. En plus, la convection dans la mer du Labrador nourrit à plus grande échelle la circulation thermohaline.

Des impacts sur le climat? 

Sur les 40 modèles d’évolution du climat, 11 ont été retenus pour leur fiabilité et sur ces derniers 50 % conduisent à un refroidissement des eaux de l’Atlantique nord au XXIe siècle. Si la convection s’arrêtait dans la mer du Labrador, la baisse de la température de l’eau serait localement de 2 à 3 degrés dans dix ans. «Une chose est sûre , souligne l'océanographe, une interruption de la convection aurait un impact très important sur le climat en Amérique du Nord et en Europe ». En plus, le phénomène de convection nourrit à plus grande échelle la circulation thermohaline.

Mais il est impossible à l'heure actuelle de prédire de quel ordre serait la baisse de la température des eaux de l’Atlantique nord et dans quels délais elle interviendrait. Un point reste très inquiétant. La COP21 a fixé une limite de hausse de température globale à 2 °C mais les effets néfastes sur le phénomène de convection dans la mer du Labrador, observés dans les modèles, se produisent avant qu’il y ait un réchauffement climatique de 2 °C, selon les travaux de ces scientifiques.

La mer du Labrador, en tant qu’indicateur déterminant pour l’ensemble de la zone de l’Atlantique nord, va être placée sous surveillance. Le projet international OSNAP prévoit notamment d’y installer des bouées fixes pour détecter les changements.