Procès Bettencourt : Bataille des médecins sur l'état de vulnérabilité de la milliardaire

JUSTICE Des experts et des médecins spécialistes en neurologie se sont succédé à la barre du tribunal correctionnel de Bordeaux ce lundi...

Elsa Provenzano
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Liliane Bettencourt, le 12 octobre 2011 à Paris
Liliane Bettencourt, le 12 octobre 2011 à Paris — Francois Guillot AFP

Le corps médical est loin d'être d'accord. Nombre de ses représentants ont été entendus ce lundi par le tribunal, qui juge dix prévenus soupçonnés d'abus de faiblesse au préjudice de Liliane Bettencourt, riche héritière de l'Oréal, sur la période 2006-2011.

Les capacités de discernement de la vieille dame, 92 ans, sont au cœur du débat puisque pendant ces cinq années elle a fait de nombreux dons et désigner François-Marie Banier, le principal prévenu, comme son légataire universel. Était-elle alors en possession de tous ses moyens? C'est la question à laquelle les experts et spécialistes ont tenté de répondre lundi.

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Le collège d'experts l'estime atteinte de troubles depuis 2006

En juin 2011, un collège de cinq experts missionné par les magistrats instructeurs va réaliser une expertise à Neuilly, au domicile de Liliane Bettencourt, alors âgée de 88 ans.

Pour eux, à cette époque, le déclin cognitif est évident. Et à l'appui du dossier, ils datent le début des troubles cognitifs à 2006. C'est à ce moment, qu'après une chute aux Baléares, elle avait été hospitalisée. Les médecins avaient alors noté alors un état de confusion. 

Il y aurait également eu des problèmes de mémoire dès 2001 et «des anomalies à l'imagerie en 2002 qui interrogent sur le déclin des capacités intellectuelles, constaté par la suite», note Sophie Cromb, une des expertes. Ils estiment qu'une maladie dégénérative est à l'œuvre depuis au moins 2007 et parlent d'une «démence mixte mélangeant des lésions d'Azheilmer et des lésions vasculaires.»

La défense a pour sa part mentionné que l'étude du docteur Yves Agid n'a pas été pris en compte dans le premier rapport des experts. «C'est une sommité en neurologie qui dit qu'il n'y a pas de troubles cognitifs propres à révéler une pathologie», a souligné la défense. «Le rapport (du docteur Agid) comporte très peu de données chiffrées et il est très peu informatif», a répondu un des experts, avant de conclure sur la présence d'un trouble manifeste du jugement pendant la période qui intéresse le tribunal. 

La surdité comme circonstance aggravante

Les débats se sont ensuite orientés sur l'audition de la milliardaire. Un ORL a assuré qu'elle est atteinte de «surdité profonde». Une version contestée par la défense qui a rapporté des témoignages de personnes qui arrivaient à communiquer avec elle sans intermédiaires. «Mais il suffit qu'il y ait un petit bruit ou qu'elle tourne la tête pour que la compréhension soit perturbée», a pointé l'expert ORL. 

«En 2006, 2007 et 2008, il n'y avait pas de démence avérée, dans le sens où elle n'avait pas de dépendance dans tous les événements de la vie quotidienne, a expliqué un des experts. Mais, elle avait alors des légers troubles cognitifs, qui associés à la surdité, la plaçaient dans une situation de fragilité.»

Les désaccords d'un neurologue et d'un neuropsychiatre

Le neurologue Bernard Laurent, à qui la défense a demandé d'analyser les pièces du dossier, a contesté le début d'une démence chez la milliardaire, en 2006. Pour lui, son état confusionnel a seulement été temporaire. Il assure que la démence a débuté fin 2010.

Michel Poncet, neuropsychiatre marseillais retraité depuis 2008, a ensuite été appelé à la barre. Il est intervenu en 2012 pour donner son avis, également à la demande de la défense. «Pour moi, elle n'a pas une maladie d’Alzheimer. Il est difficile d'évaluer sa capacité décisionnelle, mais je crois pouvoir dire que ses capacités ont été altérées en décembre 2010 mais certainement pas en 2009», a estimé le neuropsychiatre.