Pesticides dans le vin: ils sont toujours présents

Mickaël Bosredon
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Application de pesticides dans des vignes bordelaises
Application de pesticides dans des vignes bordelaises — S.ORTOLA/20MINUTES

L’enquête de l’UFC- Que Choisir parue ce mardi est sans appel. Les pesticides sont présents dans tous les vins. L’organisme a effectué une analyse de 92 vins, provenant de toutes les régions viticoles françaises (Bordeaux, Bourgogne, Champagne, Côtes-du-Rhône, Languedoc-Roussillon, Loire, Provence). Sur les 165 molécules recherchées, 33 ont été détectées. Et c’est dans la région de Bordeaux que l’on en retrouve le plus.

Pour autant, le consommateur doit-il s’inquiéter de ces résultats? «Non, assure Pascal Chatonnet, viticulteur à Saint-Emilion, œnologue-conseil, et co-fondateur du laboratoire d’analyses Excell qui a mené l'étude pour Que Choisir. Il n’y a absolument aucun risque toxicologique pour le consommateur» insiste-t-il, en raison des faibles quantités retrouvées dans les vins, largement inférieures aux limites maximales de résidus (LMR) établies par l’Agence européenne des aliments. Même pour Roquetaillade-le-Bernet 2011 (Graves blanc), dans lequel on a retrouvé la plus grande quantité de pesticides (1692 microgrammes/kg).

Des traces même dans le vin bio

Le Mouton Cadet 2010 est le vin dans lequel on a détecté le plus grand nombre de molécules différentes (14). «Cela s’explique par le fait que Mouton Cadet n’est pas un vin de producteur, mais de négociant, issu de l'assemblage de plusieurs lots achetés à différents fournisseurs» explique Pascal Chatonnet. Et, même dans les vins bio, on trouve aussi des résidus de pesticides. «L’un des grands intérêts de cette enquête est qu’elle lève le voile sur tous les types de vins, y compris ceux produits par des gens qui assurent ne pas utiliser de pesticides» sourit Pascal Chatonnet, qui précise cependant que «dans le cas de nombreux petits producteurs bio, il est tout à fait probable qu’ils se fassent contaminer par des propriétés voisines.»  

Pour le spécialiste, cette enquête est surtout «un excellent marqueur de la démarche du viticulteur: de petites quantités trouvées dans le vin, peuvent impliquer de grandes quantités dans l’environnement.» C’est pourquoi Pascal Chatonnet milite pour la mise en place d’une LMR dans le vin, qui n’existe pas aujourd’hui. «Elle existe pour le fruit, mais pas pour le produit terminé, tel le vin, ce n’est pas logique. Cette réglementation forcerait les producteurs à être plus respectueux d’eux-mêmes, et à faire davantage attention à leur santé.» Les viticulteurs sont en effet en première ligne, et plusieurs études montrent une surreprésentation de certains cancers chez ces travailleurs.

L’objectif 0% pesticide «est possible»

Loin de fustiger les producteurs, le spécialiste insiste sur le fait que «l’on est passé en trois ans d’une moyenne de neuf molécules trouvées dans les vins, à six cette année.» Et bientôt zéro? «C’est tout à fait possible. 30% des vins que nous analysons au laboratoire Excell respectent notre cahier des charges, c’est-à-dire cinq fongicides maximum, et 10 à 12% n’ont même pas de résidus du tout. Mais il est certain qu’il y a des régions où il est plus facile de produire sans pesticides, comme le Roussillon grâce à la Tramontane, et d’autres où c’est plus compliqué, comme toute la façade Atlantique, soumise à une importante pluviométrie, et donc exposée aux maladies comme le mildiou ou l’oïdium.»