« Luxe, la fabrique du rêve » : La série documentaire à la hauteur de son surnom de « Game of Thrones de la mode » ?

drama Diffusés ce mercredi et jeudi sur Culturebox, les quatre épisodes de la série retracent l’ascension de deux géants du luxe aux fortunes démesurées

Clio Weickert
Marc Jacobs, Alexander McQueen, Bernard Arnault et John Galliano.
Marc Jacobs, Alexander McQueen, Bernard Arnault et John Galliano. — © Misfits Entertainment
  • Ce mercredi et jeudi à 21h10, Culturebox diffuse « Luxe, la fabrique du rêve », une série documentaire britannique sur les coulisses de la mode, produite par Ian Bonhôte et Peter Ettedgui (producteur du documentaire « McQueen » en 2018).
  • Les quatre épisodes de 50 minutes retracent l’ascension des deux géants du luxe LVMH et Gucci, ainsi que les succès et les chutes de leurs quatre créateurs phares : John Galliano, Marc Jacobs, Tom Ford et Alexander McQueen.
  • Particulièrement dramatique et multipliant les rebondissements, cette série documentaire vaut-elle pour autant son surnom de « Game of Thrones » de la mode ?

Luxe, drame et rivalités. Alors que la fashion week bat son plein à Paris depuis lundi, une série documentaire diffusée ce mercredi et jeudi à 21h10 sur Culturebox (disponible aussi sur France.tv), dévoile l’envers du décor du monde de la mode. A contrepied de cette fête légère et joyeuse, les quatre épisodes de 50 minutes se penchent sur les coulisses de cette industrie et l’ascension de deux empires concurrents, LVMH et Gucci.

Intitulée Luxe, la fabrique du rêve, cette série britannique produite par Ian Bonhôte et Peter Ettedgui, producteurs du très remarqué documentaire McQueen en 2018, est particulièrement efficace. A commencer par sa forme, qui mêle théâtralité, moments de tension et rebondissements. Sans oublier son générique sophistiqué qui n’est pas sans rappeler celui de The Crown. Sur le fond, la réalité dépasse largement la fiction. Violence, sexe, drama… La série mérite sans hésitation son surnom de « Game of Thrones de la mode » par certains médias.

Des montagnes d’or et du pouvoir

Dans la saga de George R. R. Martin, les familles Lannister et Targaryen tirent les ficelles de l’histoire. Ici, les personnages principaux se nomment Bernard Arnault et François Pinault. L’un est surnommé le « loup en cachemire », l’autre se voit comparé à un lion. D’un côté, LVMH, à la tête du fleuron de la mode française que sont les maisons Dior, Givenchy ou encore Louis Vuitton. De l’autre, le groupe PPR (devenu Kering) avec entre autres les flamboyantes Gucci, Yves Saint Laurent et Alexander McQueen. Il n’est évidemment pas question de complots ou de noces sanglantes. Mais la série retrace l’ascension de ces deux clans qui se sont affrontés à coups de rachats spectaculaires et d’OPA hostiles, du milieu des années 1980 au début des années 2010.

A des images d’archives se mêlent de vieilles interviews des deux PDG et des créateurs de leurs écuries. D’anciens collaborateurs de ces grandes maisons de couture y témoignent également ainsi que pléthore de journalistes spécialisés, dont Carine Roitfeld (ancienne rédactrice en cheffe de Vogue Paris) ou Dana Thomas, autrice du livre Deluxe : How Luxury Lost Its Luster dont s’inspire la série. Du beau monde qui n’a pas la langue dans sa poche et dresse un portrait au vitriol de ces grandes fortunes.

Si les enjeux de pouvoir sont au cœur du récit, les jeux d’influence y tiennent aussi bonne place. A l’image d’Anna Wintour, la papesse de la mode, rédactrice en cheffe de Vogue US depuis 1988. Elle est celle qui fait et défait les carrières en un claquement de doigts et chuchote à l’oreille des investisseurs. A eux trois, ils façonnent le monde du luxe en un secteur florissant, tentaculaire et sèment des désirs irrépressibles de sacs à main dans la tête de millions de consommateurs à travers la planète. Comme le rappelle la série, le marché mondial de la mode représente actuellement 3.000 milliards de dollars.

Du sexe et de la violence

Vous pensiez le monde de Westeros impitoyable ? Le secteur du luxe n’est pas mal non plus dans son genre. Un domaine où règne la loi du plus fort (ou du plus riche) et où les batailles se livrent dans les arcanes de la Bourse ou dans les cabinets d’avocat. Il y a les victimes collatérales de tractations financières et des licenciements massifs. Sans oublier les conséquences désastreuses de l’industrie du textile sur la planète et les conditions de travail. Une séquence particulièrement dramatique revient sur le défilé organisé par Alexander McQueen en 2009 et baptisé « Horn of plenty » (la corne d’abondance). Aussi lugubres que splendides, les mannequins défilaient autour d’un immense dépotoir placé au centre de la scène, métaphore d’une industrie aussi polluante que vorace.

Autre ressort scénaristique incontournable, la série n’est pas en reste niveau sexe. Il se cache du côté des collections et du fameux « porno chic ». Son maître incontesté n’est autre que Tom Ford, à la tête de Gucci dans les années 1990. Il y développe une esthétique particulièrement sensuelle et érotique et permet à la maison italienne de redresser la barre et les finances. Jusqu’à sa propre faillite.

Des couronnements et des larmes

Luxe, la fabrique du rêve, tisse le récit d’ascensions phénoménales mais aussi de chutes intimes. Celles des quatre hommes qui ont incarné la mode de la fin du XXe siècle : Tom Ford, John Galliano, Marc Jacobs et Alexander McQueen. Surnommé « le Texan », le premier a fait renaître Gucci de ses cendres jusqu’à ce que la machine s’essouffle et qu’il pose sa démission aux débuts des années 2000. John Galliano, « le surdoué de la mode », a fait étinceler la maison Dior avant de se brûler les ailes dans l’alcool et les médicaments. Il est démis de ses fonctions en 2011 après son interpellation à la suite d’une plainte pour propos à caractère antisémite. Il sera condamné la même année pour « injures publiques ». Marc Jacobs, lui, a dépoussiéré Louis Vuitton en lui donnant un cachet street, notamment grâce à sa collaboration avec l’artiste Stephen Sprouse. Harassé, il annonce son départ par surprise en 2013. Et puis il y a Alexander McQueen, « l’enfant terrible de la mode ». Génie incontesté, créateur vulnérable et sensible, il met fin à ses jours en 2011. Quatre destinées hors du commun qui frayent autant avec la gloire que le tragique.

Des dragons et des animaux fantastiques

Que serait un épisode de GOT sans ses majestueux dragons et sortilèges ? On vous voit venir : « gnagnagna les dragons ça n’existe pas dans la vraie vie ». Détrompez-vous. Ces animaux fantastiques sont faits de taffetas, de soie et de plumes et sortent tout droit de l’imagination débordante des créateurs. Récit acide de l’industrie de la mode, la série documentaire rend tout de même hommage aux plus belles tenues élaborées par les stylistes de Dior, Louis Vuitton, Gucci et Givenchy. Une mention spéciale pour les défilés sensationnels de Galliano et les fabuleuses créatures de McQueen. Une touche de féerie dans ce conte pour adultes particulièrement sombre.