« Drag Race France » : « Je me suis réapproprié ma culture gitane grâce au drag », estime Piche
interview Piche a tiré sa révérence lors du quatrième épisode de la deuxième saison de « Drag Race France ». Malgré un défilé réussi et une tenue démente, l’épreuve du « Snatch Game » lui a été fatale
- Piche a été éliminée lors du quatrième épisode de Drag Race France diffusé vendredi sur France 2.
- « Pour ma part, je suis assez contente de mon parcours, j’ai eu beaucoup de chance (…) Je voulais juste pouvoir profiter à fond de l’aventure et vivre une palette assez large de ce que Drag Race France pouvait proposer, a-t-elle expliqué à 20 Minutes.
- Première drag-queen gitane de l’émission, elle précise également comment cette culture nourrit son art. « Je me suis réapproprié ma culture gitane grâce au drag. Avant ça, j’ai passé des années à avoir la sensation de ne pas être légitime dans ma communauté parce que j’étais différente et que je n’adoptais pas les mêmes codes. »
Elle était l’une des révélations de cette saison 2 de Drag Race France et s’était notamment démarquée avec sa prestation enflammée lors du « Talent Show » dans la deuxième semaine de la compétition. Piche, la première drag-queen gitane de l’aventure, s’est inclinée vendredi après un lipsync face à Ginger Bitch.
Pour 20 Minutes, l’artiste de 26 ans, originaire d’Arles, revient sur cette élimination aussi soudaine que surprenante.
Comment avez-vous réagi lorsque vous avez compris que vous sortiez ?
Au tout début il y a une espèce de flou, on ne comprend pas tout de suite ce qu’il se passe. Ça s’arrête et pendant deux secondes on se dit « ce soir je vais pouvoir dormir un peu plus ». Je crois que c’est ce qui m’est passé par la tête ! Il y a une espèce de soulagement et de joie par rapport à toute cette pression qu’on se met sur les épaules. Je n’ai réalisé mon élimination que deux trois jours après. Pour ma part, je suis assez contente de mon parcours, j’ai eu beaucoup de chance. J’ai quand même fait le « Snatch Game » qui est l’une des épreuves les plus iconiques et j’ai gagné un maxi challenge. Je voulais juste pouvoir profiter à fond de l’aventure et vivre une palette assez large de ce que Drag Race pouvait proposer.
Dès la fin du « Snatch Game », vous déclarez immédiatement être passée à côté de l’épreuve. C’était un défi que vous redoutiez ?
Bizarrement non, parce que j’ai l’habitude de faire un peu de stand up et d’impro. Par contre je m’y suis clairement mal préparée et je me suis fourvoyée sur les attentes du « Snatch Game ». On sait toutes que le tournage de ce challenge dure longtemps. J’étais persuadée qu’il fallait arriver avec beaucoup de matière et de choses à proposer. J’ai pris le temps d’installer mes blagues mais en fait il fallait être rapide et les punchlines devaient être très courtes. Pendant l’épreuve j’ai essayé de raccourcir mes blagues, mais lorsqu’on est dans le personnage, c’est un exercice très compliqué. J’ai juste essayé de faire en sorte de sauver les meubles - ce qui est un peu ma spécialité —, qu’on ne voit pas que j’étais déstabilisée.
Aviez-vous préparé un autre personnage à incarner ?
Oui mais j’en ai changé la veille ! Ce n’était peut-être pas une bonne décision non plus (rires). A la base j’avais prévu de faire Lara Fabian. Je ne sais pas pourquoi j’ai eu une petite panique last minute en me disant qu’elle avait peut-être une identité visuelle un peu moins marquée que Geneviève de Fontenay. J’ai eu peur que les gens ne percutent pas, comme j’ai une barbe j’en suis quand même très éloignée. Avec Geneviève de Fontenay il y a ce chapeau, le blanc et le noir qui sont iconiques, on reconnaît tout de suite. J’ai préféré partir là-dessus et j’ai donc tout réécrit la veille.
Avant le lipsync, vous semblez plus déterminée que jamais à le remporter. Avez-vous l’impression d’être passée à côté de cette ultime épreuve ?
Je vais vite de Lorie, c’est une chanson que je ne me voyais pas forcément prendre au premier degré. Ce qui est bizarre d’ailleurs, car c’est l’impression que ça donne quand on voit mon lipsync. Peut-être que j’aurais dû garder cette planche [celle de sa tenue en hommage à Rose dans Titanic], faire plus de choses avec Leonardo Dicaprio [qui apparaît dans son dos]… Je l’ai enlevée en me disant que j’avais envie de performer et de montrer des choses un peu techniques alors que ce n’était pas le propos. Et puis surtout cette tenue ne me permettait pas du tout de faire ça. Je me suis retrouvée dans une sorte d’entre-deux et ça n’a pas fait sens. Je ne dirais pas que je suis passée à côté dans le sens où je me suis amusée, j’ai adoré faire ça avec Ginger. Mais de la même manière qu’avec le « Snatch Game », c’était dans la continuité de la journée.
Vous avez démontré vos qualités de danseuse mais aussi de chanteuse. Est-ce qu’il y a une autre épreuve que vous auriez beaucoup aimé faire ?
Le « Rusical », qui arrive juste après, parce que c’est mon métier avant le drag. Je voulais faire le « Snatch Game » et surtout gagner le « Talent Show » car c’était vraiment le challenge que j’adorais dans chaque saison de Drag Race. Par contre je pense que ce n’est pas une grande perte pour la France de ne pas avoir participé au « Ball ». Je ne suis pas la reine de la couture. J’ai la chance d’être bien entourée, d’avoir des concepts et des idées dans la tête, mais la réalisation c’est un peu moins mon truc.
Cookie Kunty, qui s’écharpe un peu avec Sara Forever lors du « Snatch Game », a été visée par de nombreuses critiques après cet épisode. Sur Instagram vous avez notamment déploré le caractère haineux de ces réactions et appelez à plus de bienveillance. Ces commentaires vous ont particulièrement choqué ?
On a l’habitude de se manger de la haine, quoi qu’on fasse on s’en mange souvent de la part de personnes qui ont décidé d’en déverser. Ici, on ne parle pas de personnes qui donnent seulement leur avis, car on a le droit de le donner. Ce n’est pas juste "Cookie aurait du partir". Non, là il s’agit de menaces de mort et de haine. Rien ne justifie qu’on s’en prenne à elle. On ne laissera pas passer ça. C’est tout le contraire de ce que Drag Race France véhicule et c’est important de le rappeler. A la télé les gens s’imaginent qu’il y a un drama entre Sara et Cookie et que Sara va être contente qu’on dise ça à Cookie. Pas du tout en fait ! Sara apprécie Cookie, Cookie apprécie Sara, on est toutes sœurs et on a toutes traversé cette aventure ensemble. Ça fait des mois que c’est terminé et on continue de se voir. Nous sommes amies mais aussi liées par une sororité. On a toutes nos différences, c’est normal et on peut même se prendre la tête. Mais ça ne regarde que nous.
Vous avez commencé le drag il y a un an seulement. Qu’est-ce qui vous a motivé à participer à cette émission ?
Tout ! J’ai découvert le drag avec cette émission et j’adore la compétition. Ça réveille en moi des envies de défis artistiques, de challenges humains, de dépassement de soi… Il y a aussi la découverte de soi et de son esthétisme dans son drag, ce qu’on est capable de proposer, comment on tient ce type de pression… En plus de ça, c’est une plateforme extraordinaire pour les artistes que nous sommes. C’est vraiment un tremplin. Drag Race donne un coup de projecteur et c’est génial quand on a des projets persos. C’est une opportunité de dingue.
Dans l’émission, vous évoquez à plusieurs reprises vos origines gitanes. C’était important pour vous de les mettre en avant ?
C’était indispensable. Je suis gitane et algérienne. On a quelques représentations maghrébines queers – pas assez mais on en a quand même quelques-unes –, alors que des représentations gitanes, tziganes etc., on n’en a pas du tout. A chaque fois qu’on parle de la communauté des gens du voyage, c’est pour parler de roulottes ou de mariages… On est aussi autre chose que ça et à plein de niveaux. Plus jeune, je manquais de modèles queers qui me ressemblaient à la télévision. Si je pouvais en être un, ne serait-ce que pour une ou deux personnes, ce serait un cadeau extraordinaire. J’ai reçu des messages de personnes de la communauté. Elles me disent qu’elles me regardent en cachette, qu’elles ne peuvent pas trop assumer mais qu’elles sont hyper contentes d’avoir quelqu’un qui leur ressemble. En recevant des messages comme ça, j’ai tout gagné.
Cette culture gitane nourrit aussi votre art ?
Oui mais c’est assez récent. Je me suis réapproprié ma culture gitane grâce au drag. Avant ça, j’ai passé des années à avoir la sensation de ne pas être légitime dans ma communauté parce que j’étais différente et que je n’adoptais pas les mêmes codes. J’ai fini par croire que cette culture n’était pas faite pour moi et ne m’appartenait pas. A partir du moment où j’ai pu faire du drag, je me suis rendu compte que cette culture était aussi à moi et que j’avais le droit de me l’approprier. C’est mon sang, mes racines, là d’où je viens. Ce n’est pas parce que certaines personnes pensent que je ne devrais pas mixer les deux cultures, qu’elles ont raison. Typiquement, la tenue de l’Arlésienne dans l’épisode 2, c’est quelque chose que je n’aurais pas fait avant. Je suis allée chercher des références différentes, je me suis documentée et j’ai appris des choses sur moi.
Où est-il possible de vous applaudir dans les prochaines semaines ?
Tout l’été à la Vespiche, c’est une viewing party animée par Vespi et moi-même au Café Beaubourg (Paris 4e) tous les vendredis. J’ai eu énormément de chances aussi de faire cette aventure avec Vespi. C’est une personne extraordinaire et même si elle n’est pas restée très longtemps, l’aventure n’aurait pas été la même sans elle. Elle m’a énormément aidé et soutenue. C’est une des personnes qui a fait naître mon drag et l’a fait évoluer.
On devrait aussi normalement me retrouver au « Fantasma Circus Erotica » au théâtre des Variétés à Paris. J’ai également pour projet de sortir un EP à la rentrée, dont un titre et un clip devraient être dévoilés prochainement.