« Ça casse les préjugés »… « Drag Race France » racontée par celles et ceux qui ne connaissaient rien à l’émission

VOUS TEMOIGNEZ Diffusée avec succès samedi sur France 2, la compétition de drag-queens adaptée du format américain « RuPaul’s Drag Race », s’est révélée à un tout nouveau public, parmi lequel nous avons recueilli quelques réactions

Fabien Randanne
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Les dix drag-queens candidates de Drag Race France, dans l'Atelier, après leur premier défilé dans des tenues inspirées des créations de Jean Paul Gaultier.
Les dix drag-queens candidates de Drag Race France, dans l'Atelier, après leur premier défilé dans des tenues inspirées des créations de Jean Paul Gaultier. — Nathalie GUYON - FTV
  • Le premier épisode de Drag Race France a été regardé par 914.000 personnes sur France 2 samedi. Un bon score, dans la lignée de ceux réalisés habituellement à la même heure par On est en direct, qui ne comprend pas les audiences des visionnages sur France TV Slash, sa plateforme de diffusion prioritaire.
  • 20 Minutes a lancé dimanche sur Twitter un appel à témoignages pour recueillir les réactions de celles et ceux qui ne connaissaient pas le concept Drag Race.
  • Les retours recueillis sont très majoritairement positifs. Beaucoup ont vu leurs idées reçues sur les drag-queens s’évaporer.

« J’ai été très surprise de voir qu’être drag-queen, ce n’est pas juste du maquillage et des tenues – ce qui serait déjà beaucoup ! C’est une performance complète d’artiste : savoir chanter, danser, faire rire et pleurer. » Elise, documentaliste de 25 ans est tombée sous le charme du premier épisode de Drag Race France. Cette Parisienne n’est pas la seule. Diffusée samedi à 23h25 France 2, l’émission a été suivie par 914.000 personnes, soit 11.6 % de parts d’audience. Un très bon score, dans la lignée de ceux réalisés par On est en direct qui occupait cette case horaire habituellement.

Diffusé à l’antenne à titre exceptionnel – les épisodes suivants seront disponibles chaque jeudi à partir de 20h, uniquement sur la plateforme France TV Slash – le coup d’envoi de la compétition de drag-queens a donc trouvé un – large - public, ratissant bien au-delà de la communauté de fans de RuPaul’s Drag Race, l’émission américaine culte créée en 2009 et dont Drag Race France est une adaptation. 20 Minutes a lancé dimanche un appel à témoignages sur Twitter pour recueillir les impressions de celles et ceux qui ont découvert le concept pour la première fois samedi soir. Les réactions ont été nombreuses, en voici une sélection.

Sylvie, 67 ans : « Une émission comme ça, ça change »

Alexandra se fait la « porte-parole » de sa mère, enseignante à la retraite à Dunkerque : « Elle n’est pas particulièrement sensibilisée à la culture gay ou queer. On habite Dunkerque (Nord), donc des hommes qui se maquillent, mettent des perruques et des robes, on en a plein les rues quatre mois par an avec le carnaval. Pour quelqu’un d’ici, ce n’est donc pas quelque chose de "choquant" même si les origines historiques du clet’che (le costume de carnaval en patois dunkerquois) et le drag n’ont évidemment rien à voir. Quand ma mère a découvert la bande-annonce de Drag Race France, elle a tout de suite été très curieuse et enthousiaste, mais c’est plutôt l’aspect artistique et l’exubérance qui l’ont attirée. Après qu’elle a vu ce premier épisode, elle a compris, sans que j’aie à lui expliquer, qu’il y avait quelque chose de plus profond et important dans ce programme que les paillettes. Elle a trouvé les concurrentes touchantes et drôles et l’émission "bien fichue". Tout en ajoutant : "une émission comme ça, ça change !" »

Yann 32 ans : « Pourquoi pas tester en replay, au pire on coupe »

« Mon compagnon et moi ne sommes pas familiers du monde drag, nous ne fréquentons pas les boîtes gays ou d’évènements susceptibles d’en accueillir, précise ce Drômois qui vit près de Montélimar. On a vu pas mal de promotion sur le programme français à la télé et sur Twitter. On s’est dit : "Pourquoi pas tester en replay, au pire on coupe." Franchement on a beaucoup aimé. Le décor est hyper punchy, les drags ont, pour la plupart, de belles tenues, les punchlines étaient drôles sans être trop méchantes. On ne s’attendait à rien au final, ne connaissant ni les règles ni le déroulé, mais c’était un chouette moment. Il y a bien sûr des bémols. La drag qui anime [Nicky Doll] n’est pas très à l’aise et les vannes écrites tombent un peu à plat. L’absence de public se fait sentir, notamment au moment de la présentation du jury et des fins de prestations. C’est agréable en tout cas de voir ce genre de programme à la télé pour montrer de la diversité positive. »

Ibrahim, 43 ans : « Cela casse les préjugés »

« J’avais vu une présentation de l’émission chez Ruquier [dans On est en direct]. Alors j’ai regardé pour voir si la performance était là ou non, écrit ce cadre de santé de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne). J’ai été surpris par la capacité des candidates à cumuler autant de talents : faire les tenues, chanter, bouger, danser, jouer la comédie, créer de l’émotion… Il est aussi très intéressant de voir les personnes derrière ces personnages. La séquence où [les queens] se démaquillent et se dévoilent, les séquences où elles commentent [dans le confessionnal] permettent de casser les préjugés aussi. C’est "bousculant" sans l’être en fait. Il suffit de comprendre le jeu et l’exercice. Une drag-queen, c’est une artiste complète. »

Marie-Laure, 35 ans : « Je suis passée par plein d’émotions »

« J’avais eu vent du concept parce que beaucoup de personnes que je suis sur les réseaux sociaux s’y intéressent, nous écrit cette agricultrice aveyronnaise. Je n’avais jamais cherché à regarder, sans doute parce que la version originale – la seule dont j’ai aperçu des extraits – est très américaine – fatalement – et, au fond, ça ne me parlait pas. J’ai donc regardé Drag Race France d’un œil neuf et je n’ai pas été déçue. Je suis passée par plein d’émotions : le rire, l’émerveillement, l’admiration, l’étonnement, la tristesse, parfois, à l’évocation des parcours semés d’embûches de certaines participantes… C’était très enrichissant et plein de découvertes. J’ai aussi adoré la diversité du casting et cette cohabitation de ces cultures multiples, celle franco-française que l’on a tous connue via les émissions et reportages à la télé [sur les cabarets], celle, plus récente, importée des Etats-Unis, mais aussi les inspirations venues d’ailleurs, avec les candidates originaires du Mexique ou de Tunisie. »

Nicolas, 25 ans : « Ça faisait analyse psy superficielle »

« J’avais peur que ça soit mou du genou comme d’autres téléréalités mais c’est plutôt bien tenu. Les blagues ultra-téléphonés, c’est un bon passe-partout. En revanche, j’ai été un peu choqué lorsque les candidates ont commencé à parler de leurs problèmes personnels, sur l’image qu’elles renvoyaient, explique cet ingénieur éclairagiste de Colombes (Hauts-de-Seine). Dans l’émission, ça dénotait et on n’était pas forcément suffisamment attachés pour être touchés. La Big Bertha est hyper sympathique (elle est déjà ma chouchoute) mais son témoignage m’a laissé un peu de marbre. C’est probablement le montage qui a fait ça, ça faisait vraiment analyse psy superficielle. Je vais sûrement regarder l’épisode 2 mais si jamais il y a encore dix minutes de séquences tire-larmes, je vais faire avance rapide. »

Sophie, 48 ans : « Je ne suis pas fan du concept des trois plantes vertes en slip »

« J’ai pris l’émission en route et j’avoue que j’ai eu peur parce que les premiers passages au confessionnal étaient en total mode bitch [langue de vipère]. Je me suis dit : "Merde, si ça part là-dessus à fond, ça va me gaver." Je ne regarde généralement pas d’émission de téléréalité parce que les choix de production qui insistent sur les clashs, ça me gonfle, précise cette informaticienne de Meaux (Seine-et-Marne). Mais j’ai été rassurée rapidement car j’ai ressenti beaucoup de bienveillance de la part des candidates et du jury. Aussi bien dans les moments "hors épreuves" que lors des passages sur scène. Toutes étaient généralement admiratives des performances des autres. J’ai été vachement surprise de la diversité des prestations et du niveau. Y a-t-il des trucs qui m’ont dérangée ? Je ne suis pas fan du concept des trois plantes vertes en slip [le "pit crew"]. »

Alexis, 23 ans : « J’imaginais que seuls des hommes étaient drag-queens »

« Je connaissais déjà de nom RuPaul et RuPaul’s Drag Race mais je n’avais jamais regardé car mon niveau d’anglais n’est pas assez bon. J’ai regardé le premier épisode de la version française d’abord par curiosité, nous glisse ce développeur web d’Angers (Maine-et-Loire). Sur les réseaux sociaux, beaucoup de personnes que je suis en parlaient et, comme ça fait partie de la culture LGBT et que je suis gay, je voulais découvrir. J’ai bien aimé, je ne pensais pas que ça allait être aussi drôle. J’imaginais que seuls des hommes étaient drag-queens, mais j’ai constaté que ce n’était pas aussi limité car il y a une femme trans, dans le casting français. J’ai vu que dans le deuxième épisode il y aurait des drags kings et j’ai hâte de le regarder car ça, pour le coup, je ne connais absolument pas. »

Ivan : « J’ai été frappé par la liberté de ton »

« J’ai regardé Drag Race France sans jamais avoir regardé un épisode de la franchise. Globalement j’ai passé un assez bon moment. La chose qui m’a le plus frappé, c’est la liberté de ton, de vocabulaire, on sort enfin du "C’est la télé, il faut se tenir et ne pas être cru", ça donne donc beaucoup de spontanéité à l’émission et venant de France 2 c’est encore plus étonnant, applaudit cet animateur belge. Il y avait quelques longueurs quand même. Le choix de Nicky Doll à la présentation est plutôt réussi même si on la voit parfois collée au prompteur. Le casting des drags est très éclectique et alterner des moments de confidences avec des moments festifs, c’est une bonne idée, ça permet vraiment de passer au-delà du côté juste "physique" de cet art. Le tout manquait peut-être de mise en contexte pour ceux qui n’avaient jamais regardé, pour pouvoir bien comprendre les enjeux. »

Catherine 36 ans : « Un programme comme ça fait du bien »

« Je n’avais jamais entendu parler de l’émission originale, je pensais même que c’était une création française, confie cette salariée d’une mutuelle vivant à Saint-Maur (Val-de-Marne). Ce qui m’a poussé à regarder, c’est l’originalité du programme. Un peu d’ouverture sur le service public ça fait du bien je trouve. J’avais une image "à l’ancienne" des drag-queens : des hommes qui se déguisent en femmes. Honnêtement, j’ai été très surprise. J’ai adoré, ce n’est pas du tout kitsch, les drags sont magnifiques. Il y a beaucoup d’humour, de second degré et de bienveillance. Le moment qui m’a touchée c’est lorsqu’elles se sont confiées sur comment elles en sont arrivées à être drag-queen. J’ai été marqué par une phrase en particulier : "Derrière le glam, il y a du drame". Ça change de ce qu’on nous propose et puis un programme comme ça en ce moment ça fait du bien. »