« Sex Education » sur Netflix, cheffe de file d’une nouvelle génération de teen shows

FICTION « Sex Education » diffuse ce jeudi sa quatrième et ultime saison sur Netflix

Laure Beaudonnet
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Ncuti Gatwa dans le personnage d'Eric Effiong dans la saison 4 de « Sex Education » sur Netflix.
Ncuti Gatwa dans le personnage d'Eric Effiong dans la saison 4 de « Sex Education » sur Netflix. — S. Taylor/Netflix

C’est l’heure de faire nos adieux à notre très chère bande du lycée Mordale. Sex Education, la série adolescente incontournable signée Netflix, ferme définitivement son cabinet de sexothérapie après cette quatrième et ultime saison diffusée à partir de ce jeudi. Mais avant de mettre un point final à ce chapitre, il est temps de rendre à Otis ce qui est à Otis et d’analyser l’impact de ce teen drama sur le monde des séries. On peut dire qu’il y a eu un avant et un après Sex Education. Elle a participé à ouvrir la voie à un nouveau type de séries chorales adolescentes attachées à éduquer leur jeune public sur les questions de consentement, de violences faites aux femmes, de genres, d’orientation sexuelle…

Eric Effiong [Ncuti Gatwa], l’un des personnages les mieux écrits de la fiction contemporaine, s’est imposé comme un archétype qu’on retrouve sous d’autres traits dans plusieurs séries du genre. Meilleur ami d’Otis Milburn [Asa Butterfield], il est issu d’une famille religieuse moitié ghanéenne, moitié nigériane, et il assume pleinement son homosexualité. Impossible de ne pas penser à Eric devant Chester (Justice Smith), le queer flamboyant de Genera+ion (HBO), aussi exubérant qu’excentrique, ou devant Darren (James Majoos) dans Hartley, cœurs à vif (2022). Grand Army (2020), Heartstopper (2022), Gossip Girl, nouvelle génération (2021)… Elles sont toutes sorties du même moule, mettant au premier plan des lycéens issus de la communauté LGBT (lesbienne, gay, bi, trans) qui s’éveillent à la sexualité.

« On ne peut plus penser à la sexualité de la même manière »

« J’ai l’impression qu’il y a des teens shows antérieurs qui ont amorcé un virage en injectant la question du consentement ou des identités de genre, mais Sex Education est celle qui a été la plus médiatisée, observe Hélène Breda, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Sorbonne Paris-Nord. Je pense à la série canadienne Degrassi : Next Class qui date de 2016. Elle est très didactique sur le consentement, la culture du viol, la bisexualité, la non-binarité. Netflix s’est emparé de ce nouveau système de valeurs féministes et queer et en a fait une image de marque. »

Toutes ces oeuvres sont aussi le fruit d’une époque. On pourrait dire que la vague #MeToo a inondé les séries des préoccupations des jeunes générations. On se souvient des teen shows version 2010 où des personnages comme Chuck Bass dans Gossip Girl tentent de violer des filles sans que cela fasse particulièrement sourciller. Deux décennies plus tôt, Beverly Hills 90210, la série culte de Darren Star, a créé une polémique lorsque Brenda a perdu sa virginité dans les bras de Dylan. La sexualité féminine était un non-sujet, l’homosexualité à peine effleurée et la transidentité complètement taboue.

Dès le mois de mars 2017, avant même l’explosion #MeToo, 13 Reasons Why ouvre la discussion sur le viol et le harcèlement. « C’est un phénomène générationnel qui se positionne à la croisée d’un féminisme un peu pop en ligne et d’une ère #MeToo. Au tournant des années 2010, on a vu plein de choses se mettre en place sur les médias numériques, les réseaux sociaux, les blogs, les Tumblr, etc... Sur le harcèlement de rue, par exemple, le Tumblr Paye ta shnek date de 2013, observe Hélène Breda. Il y a eu un effet de génération. On ne peut plus penser à la sexualité de la même manière ». Et cela s’est répercuté sur les fictions, en particulier les teen shows. Il faut dire que les séries adolescentes, qui traitent de la transition vers l’âge adulte, se prêtent plutôt bien à ce type de sujets.

Un cas d’école

Comme son titre l’indique, Sex Education met les sexualités au cœur de son intrigue, devenant un véritable produit d’edutainment -contraction d’éducation et d’entertainement-. Elle porte des messages féministes forts à travers son personnage de Jean Milburn (Gillian Anderson), la mère d’Otis et accessoirement sexologue de profession. Dès la saison 2, cette dernière révèle l’existence de l’asexualité à une élève qui s’inquiète de ne pas ressentir l’envie d’avoir des relations sexuelles. « Cette scène est très pédagogique, plein de gens ont réagi en disant : "J’aurais tellement aimé voir cela à l’adolescence" », pointe Hélène Breda. En plus de faire un travail de pédagogie, la série offre de nouvelles représentations qui ont longtemps été absentes du petit écran.

Si Sex Education n’a pas initié, à proprement parler, la révolution dans les teen shows, elle l’a épousé avec intelligence, participant à créer des nouveaux modèles de personnages. « C’est une série cas d’école ou exemplaire qui fera date dans l'histoire des séries », confirme la chercheuse. Mais, comme on dit, toutes les bonnes choses ont une fin.