Pourquoi le public de TF1 n’a pas (encore) accroché à « Big Little Lies » ?

AUDIENCES La multirécompensée série américaine « Big Little Lies » avec Nicole Kidman s’est fait battre par « La Stagiaire » avec Michèle Bernier sur France 3 ce mardi

Anne Demoulin
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Shailene Woodley, Reese Witherspoon et Nicole Kidman dans « Big Little Lies »
Shailene Woodley, Reese Witherspoon et Nicole Kidman dans « Big Little Lies » — HBO
  • TF1 a diffusé ce mardi la série multirécompensée de HBO Big Little Lies.
  • La série américaine, emmenée par le trio d’actrices stars Reese Witherspoon, Shailene Woodley et Nicole Kidman, a rassemblé moins de téléspectateurs que la série française La Stagiaire, portée par Michèle Bernier.
  • Pourquoi Big Little Lies n’a pas réussi à séduire le public de TF1 ?

Un pari audacieux ! Trop peut-être… TF1 a diffusé ce mardi les deux premiers épisodes de la superbe série américaine Big Little Lies, emmenée par le trio d’actrices stars Reese Witherspoon, Shailene Woodley et Nicole Kidman. La chaîne s’est fait battre par France 3, en tête des audiences avec les nouveaux épisodes de la saison 5 de sa série française La Stagiaire, portée par Michèle Bernier. Pourquoi Big Little Lies n’a pas (encore) réussi à séduire le public de TF1 ?

Les deux inédits de La Stagiaire ont séduit 4,09 millions de spectateurs en moyenne, soit 20,5 % du public de quatre ans et plus et 5,2 % des ménagères de moins de 50 ans, selon Médiamétrie, tandis que les deux premiers épisodes de Big Little Lies, série auréolée de huit emmys et quatre golden globes, n’a rassemblé que 3,74 millions de sériephiles, soit 19,5 % de part de marché et 30,5 % sur les ménagères de moins de 50 ans.


Si le score reste encore satisfaisant (notamment parce que TF1 arrive en tête sur la cible préférée des annonceurs), TF1 a cependant perdu plus de 900.000 téléspectateurs entre les deux épisodes.

Une série pas adaptée à un public familial

Sur Twitter, les téléspectateurs de TF1 qui découvraient la série diffusée sur la chaîne câblée HBO aux États-Unis, puis sur OCS en France il y a deux ans, formulent deux reproches à la série. D’une part, Big Little Lies n’est pas adaptée à un public familial. La minisérie événement met en scène la vie de cinq femmes dans la ville côtière et huppée de Monterey en Californie. Une vie en apparence parfaite jusqu’au jour où un cadavre est découvert en pleine fête de l’école.

Ce meurtre sert de fil rouge aux sept épisodes de la première saison. Au travers une série de flash-back qui ont conduit à l’assassinat, le montage, admirable, frôlant parfois l’épilepsie, mêle les visions et souvenirs des personnages aux interrogatoires de l’enquête.



Big Little Lies va dévoiler derrière les sourires de façade de ces mères de famille nanties des visages meurtris, des drames humains et intimes, des relations toxiques et la triste réalité des violences conjugales.


Un drame psychologique qui met du temps à s’installer

Par ailleurs, certains téléspectateurs de TF1, n’ont pas « accroché » à la série, jugée « bavarde ».



Dans sa bande-annonce, TF1 a présenté et vendu Big Little Lies comme un thriller haletant et les téléspectateurs se sont retrouvés devant un drame psychologique, sur fond de meurtre, qui prend le temps de s’installer.

Une série pas calibrée pour TF1

Aux Etats-Unis, la série a été diffusée sur HBO, la chaîne câblée qui produit de luxueux contenus à destination d’un public de niche plutôt aisé et exigeant. HBO est la chaîne qui a élevé le scénariste de série en véritable auteur.

En tant que chaîne payante, HBO peut accorder du temps à une série pour installer son univers, son intrigue et ses personnages. Ce qui compte, ce ne sont pas les audiences du lendemain, mais le nombre d’abonnés le mois prochain.

HBO n’a jamais eu vocation à satisfaire tous les publics en calquant son répertoire de programmes sur celui des networks, les grandes chaînes gratuites américaines. La chaîne peut se permettre des séries aux scénarios patients et complexes avec des scènes choquantes ou dénudées.


TF1, de son côté, est une chaîne gratuite, qui doit satisfaire une vaste palette de téléspectateurs aux goûts hétéroclites, avec des programmes qui ne doivent pas déplaire aux cibles de ses annonceurs.

Généralement, TF1 achète ses programmes aux Etats-Unis aux networks, qui obéissent au même cahier des charges en matière de fiction. Grey’s Anatomy est par exemple diffusée sur ABC, la franchise « Les Experts » sur CBS.

Un dilemme difficile à résoudre

TF1 (tout comme l’ensemble des autres grandes chaînes) se retrouve face à un dilemme difficile à résoudre. Les jeunes téléspectateurs français ont développé une appétence pour les fictions pointues des chaînes câblées américaines. Pour preuve, le succès phénoménal de la série de HBO Game of Thrones.

Si TF1 veut capter ce public jeune (qui se moque allègrement des séries populaires emblématiques de TF1 comme Joséphine, ange gardien), elle se doit de faire évoluer sa programmation. D’un autre côté, TF1 prend le risque de perturber des téléspectateurs plus âgés habitués à L’Arme fatale et à Camping Paradis.


France Télévisions, de son côté, mise sur une plateforme dédiée, France TV Slash, pour satisfaire ce nouveau public averti. La crise sanitaire – et l’interruption de nombreux tournages – n’a pas arrangé les choses et a contraint les grandes chaînes à acheter des fictions aux chaînes câblées américaines.



Une occasion pour une partie du public français pas encore rompu aux codes de ces séries moins faciles d’accès de se les approprier ? Accrochez-vous à Big Little Lies, cela démarre lentement, certes, mais c’est l’un des drames les plus intenses et les plus puissants que la télévision américaine a produit récemment.