Coronavirus : « Grey’s Anatomy », « The Resident », « Hippocrate »… Comment les séries médicales s'attaquent à l’épidémie

FICTION Entre intrigues visionnaires, dons de matériel et auteur qui renfile la blouse blanche, les séries médicales n'ont jamais autant brouillé la frontière en fiction et réalité qu'avec la crise du coronavirus

Vincent Jule
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Les docteurs Grey et Webber sont appelés aux urgences de la crise du coronavirus
Les docteurs Grey et Webber sont appelés aux urgences de la crise du coronavirus — ABC
  • Les séries médicales sont impactées par l’épidémie de coronavirus.
  • Alors que les tournages sont arrêtés, certaines séries hospitalières avaient anticipé la pandémie dans leurs scénarios.
  • Le réalisateur de Hippocrate a renfilé sa blouse de médecin pour participer à l’effort.

A chaque épisode de Grey’s Anatomy, Les Bracelets rouges, The Resident, New Amsterdam ou Good Doctor, la même question : mais comment les séries médicales vont traiter la crise du coronavirus, alors que médecins, infirmiers et infirmières sont au front pour lutter contre l’épidémie et que l’hôpital est aujourd’hui l’endroit le plus politique de la télévision. Et si elles avaient déjà commencé, plus ou moins directement ?

Fin des tournages, début des dons

Comme tout Hollywood, les séries médicales ont subi de plein de fouet le coronavirus avec l’arrêt des tournages. La saison 16 de Grey’s Anatomy prendra ainsi fin prématurément avec l’épisode 21, sur les 25 prévus, et faute d’épisodes doublés, TF1 interrompra la diffusion de cette même saison pour lancer, dès le mercredi 22 avril, une autre série médicale, The Resident, déjà passée sur Warner TV et, elle aussi, immanquable. En signe de solidarité, tous ces shows ont d’ailleurs fait don de leur matériel médical (blouses, gants, masques…) aux hôpitaux locaux et casernes de pompiers.

Thomas Lilti renfile la blouse blanche

Egalement frappée par la crise sanitaire, la série française Hippocrate a dû suspendre le tournage de saison 2 pour Canal+, et son créateur et réalisateur Thomas Lilti a pris alors une décision aussi radicale que salutaire : il a remis sa blouse blanche de docteur. « Après quelques jours, la question s’est posée de savoir ce que je devais faire, raconte-t-il aux  Inrocks. Le serment d’Hippocrate, c’est quelque chose que j’ai vécu. Et d’un seul coup, j’ai basculé dans autre chose : un retour à mon premier métier. J’étais en train de tourner une saison de série dans un hôpital, avec du personnel soignant et une thématique principale autour de la souffrance au travail. On racontait l’avant Covid, c’est-à-dire l’état de l’hôpital public avant l’arrivée du virus… Ce que je ne cesse de dire à travers mon travail, de manière modeste, cette idée que l’hôpital va mal, il a fallu la catastrophe en cours pour que cela saute aux yeux de tout le monde. »

Pour le metteur en scène du film et de la série Hippocrate, la frontière entre réalité et fiction est encore plus floue : « Tout se mélange, et je n’arrive plus trop à faire la part des choses, d’autant que l’hôpital où je me suis remis à exercer la médecine est aussi celui dans lequel je tournais quelques jours avant. En gros, je bosse dans le bâtiment d’à côté. Je suis le vrai médecin, alors que je faisais le crétin depuis le mois de janvier à filmer de la fausse médecine. »

La fiction rattrape, et double la réalité

Les séries médicales avaient déjà montré leur caractère engagé, inclusif et même avant-gardiste sur certaines questions sociales et sanitaires, comme les victimes de violences sexuelles dans Grey’s Anatomy ou les «Implant Files» dans The Resident. Cette dernière continue à jouer les visionnaires avec le coronavirus. Sans spoiler, une intrigue de la saison 3 met en scène une super bactérie qui menace de contaminer tout l’hôpital. Le terme de coronavirus est même prononcé lors d’une scène, à tel point que la chaîne FOX a pris la précaution de mettre un carton d’avertissement pour expliquer que si l’épisode trouvait un écho avec la crise actuelle, c’était une coïncidence, sa conception remontant à plusieurs mois déjà.



Ce n’est pas tout… Autre preuve que la fiction rattrape, voire devance, la réalité, New Amsterdam a dû déprogrammer son épisode du 7 avril sur la chaîne américaine NBC. Son titre ? Pandémie. Ah ouais. Pour rappel, la série emmenée par Ryan Eggold se déroule dans un hôpital public de New York, en train de devenir un foyer de l’épidémie de coronavirus. L’épisode, lui, tournait autour d’une pandémie de grippe, mais c’était déjà trop, trop proche de la réalité. « Je suis un auteur de fiction, a commenté son showrunner David Schulner. Mais, si je peux me permettre, le monde a besoin de beaucoup moins de fiction et de beaucoup plus d’information en ce moment. » Plusieurs membres de l’équipe ont également été testés positifs au Covid-19, dont l’acteur Daniel Dae Kim qui devait débuter une guest dans la série avec cet épisode. Un jeu de miroirs et d’écrans vertigineux, et une pensée pour tous les vrais Dr. Grey, Goodwin, Hawkins…