Bordeaux : Mario, Donkey Kong, Zelda… Quand l’Opéra s’empare (avec brio) des musiques de jeux vidéo

TULUTU TUTUTU L’orchestre national Bordeaux Aquitaine interprète mercredi et jeudi soir à l'auditorium les musiques de dix-huit jeu vidéo

Mickaël Bosredon
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La jeune cheffe américaine Hannah von Wiehler durant la répétition, ce mardi.
La jeune cheffe américaine Hannah von Wiehler durant la répétition, ce mardi. — Mickaël Bosredon
  • L’orchestre national Bordeaux Aquitaine va interpréter dix-huit titres de musiques de jeu vidéo, au cours de deux soirées à l’Auditorium de Bordeaux.
  • A l’origine du projet avec l’association So Games, le directeur de l’opéra Emmanuel Hondré a souhaité recréer à Bordeaux « un mélange de deux univers qui a priori ne sont pas faits pour se rencontrer, mais qui peuvent quelques fois travailler ensemble. »
  • Le spectacle promet d’autant plus d’être étonnant, que douze joueurs tirés au sort monteront sur scène pour jouer sur écran géant, pendant que l’orchestre interprétera les différents titres.

Un orchestre symphonique qui joue des musiques… de jeux vidéo. On entend déjà certains puristes crier au crime musical. Et pourtant. C’est bien ce qui est programmé mercredi et jeudi soir par l’Opéra de Bordeaux et l'association SO. Games, à l’auditorium, dans le cadre du forum Horizon(s) consacré aux jeux vidéo qui se tient mercredi et jeudi à Bordeaux.

20 Minutes a assisté mardi aux répétitions de l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine (ONBA), menées par la jeune cheffe américaine Hannah von Wiehler. Et on a été soufflé par la qualité de l’orchestration de ces musiques, qui vont de Mario à Zelda en passant par Donkey Kong et Pokemon, et la virtuosité de l’interprétation. En tout, dix-huit morceaux seront joués chaque soir par l’ONBA.


« Pour les musiciens de l’orchestre, c’est très exigeant »

« Il persiste un cliché qui consiste à penser que les musiques de jeu vidéo sont des musiques basiques, simples, reconnaît Emmanuel Hondré, directeur de l’opéra. C’est faux. Et je peux vous assurer que jouer sur instruments réels, des musiques qui ont été composées en studio avec un équipement numérique, donc sans instrument, est d’une difficulté redoutable. Il y a ainsi une sorte de duel entre l’homme et la machine qui se joue dans un concert comme celui-là. Pour les musiciens de l’orchestre, c’est très exigeant. »

Hannah von Wiehler explique pour sa part qu’elle a « la même approche avec cette musique qu’avec de la musique classique. » « Je regarde toujours d’où vient le compositeur, quelles sont ses influences, quels styles il essaie de créer… Dans les musiques de jeu vidéo, il y a toutes sortes d’influences : jazz, ragtime, swing, rock’n’roll, heavy metal… Ainsi, toutes les cinq minutes, nous avons quelque chose de complètement différent à jouer. »

Parmi les morceaux les plus difficiles à interpréter, la jeune cheffe d’orchestre place « Donkey Kong et Mario » dans le duo de tête. « Donkey Kong a beaucoup d’influences provenant du swing et du jazz des années 1990 et 2000, et c’est un style complètement différent de ce que nous avons appris au conservatoire. Mario, une musique caribéenne avec des accents reggae, a aussi des rythmes très différents par rapport à notre expérience classique. »

Un « mélange de deux univers qui a priori ne sont pas faits pour se rencontrer »

Ce n’est pas la première fois qu’un orchestre s’empare ainsi de musique de jeux vidéo. « Il y a déjà eu des soirées comme cela à la Philharmonie de Paris, et le London Symphony orchestra, un des plus grands orchestres au monde, a lui-même enregistré des musiques de jeux vidéo » rappelle Emmanuel Hondré. A l’origine du projet avec l’association So Games, il a souhaité recréer à Bordeaux « ce mélange de deux univers qui a priori ne sont pas faits pour se rencontrer, mais qui peuvent quelques fois travailler ensemble. »

Emmanuel Hondré, directeur de l'opéra de Bordeaux.
Emmanuel Hondré, directeur de l'opéra de Bordeaux. - Mickaël Bosredon

Le directeur de l’opéra reconnaît toutefois que la musique de jeux vidéo a évolué au fil du temps. « Dans les années 1980-90, il y avait un son assez acide, basique, c’était la mode, avec des jeux qui jouaient sur la machine, l’automatisation, le futurisme… Puis les musiques de jeu vidéo se sont de plus en plus rapprochées des musiques de films, et aujourd’hui beaucoup de musiques de jeu vidéo sont des musiques d’un film dont vous êtes le héros. On sent une fusion de ces deux univers, qui sont en train de se rapprocher. »

« Faire tomber certaines barrières »

Ce qui intéresse particulièrement Emmanuel Hondré dans ce projet, c’est de transposer une musique dont on s’imprègne sans forcément s’en rendre compte. « Quand vous jouez, vous êtes concentré sur le jeu, vous ne prêtez pas nécessairement attention à la musique, pourtant petit à petit elle fait complètement partie de votre vie, parfois pendant un an ou deux même ! Entendre par la suite cette musique orchestrée, est une expérience étonnante, d’autant plus que pour certains ce sera l’occasion de découvrir un orchestre. »

Car le but de la manœuvre pour l’opéra est aussi d’attirer un public nouveau. « Mais l’orchestre aussi va découvrir un public, souligne Emmanuel Hondré. C’est le mélange, la réaction de l’un envers l’autre, qui compte. »

L’expérience sera d’autant plus inédite, qu’une douzaine de joueurs tirés au sort au préalable, monteront sur scène autour de l’orchestre, pour jouer sur écran géant aux jeux dont la musique est interprétée. « On espère que tout cela crée une sorte d’émulation, sur scène et dans le public » lance le directeur de l’opéra, pour qui il est « important de s’ouvrir, faire tomber certaines barrières, tout en gardant le socle de ce qu’est notre maison. »

Mercredi et jeudi à 20 heures à l’auditorium de Bordeaux. Durée : 1h45 (avec un entracte). Tarifs : de 10 à 50 euros. opera-bordeaux.com