Il est de ces lieux enrobés de mystères. En plein cœur de la Bretagne, la forêt de Brocéliande est le berceau des légendes arthuriennes. S’étendant sur environ 11.000 hectares, entre l’Ille-et-Vilaine et le Morbihan, le massif forestier de Paimpont, son autre nom, est un monde merveilleux peuplé de personnages mythiques comme Merlin L’Enchanteur, le maître des lieux, les fées Viviane et Morgane ou le chevalier Lancelot.

Dans ce décor féerique, il n’est pas rare non plus de croiser de petites créatures malicieuses comme des korrigans ou des elfes se baladant dans le Val sans Retour et son célèbre Arbre d’Or ou autour de la fontaine de Barenton, qui a vu naître les amours de Merlin et de Viviane.

Passage obligé pour tous les amoureux de nature et de magie, la forêt de Brocéliande voit défiler chaque année plus de 300.000 visiteurs sur ses sentiers vallonnés bordés d’arbres majestueux. Certains sites légendaires de la plus grande forêt bretonne sont d’ailleurs victimes de leur succès, piétinés par la foule et menacés par le surtourisme. « On ne fait plus la promotion de ces endroits incontournables, on préfère mettre en avant des sites moins connus », assure-t-on du côté de Destination Brocéliande.

Six chevaliers assis autour de la table

L’un d’entre eux a d’ailleurs tout pour devenir l’un des futurs lieux emblématiques de la forêt. Il est situé sur une butte en plein bourg de Néant-sur-Yvel. C’est dans ce petit village de 1.200 âmes que le maire a eu l’idée un peu folle de réunir les fameux Chevaliers de la légende arthurienne autour de la non moins fameuse Table ronde.

Une œuvre d’art unique en Europe qui n’a d’abord pas convaincu grand monde avant que le projet ne voit le jour en 2019. « J’ai pris mon bâton de pèlerin pour convaincre les collectivités de l’intérêt de ce site et trouver des mécènes pour financer les statues », souligne Philippe Louapre, maire de la commune, désireux « d’attirer des touristes pour dynamiser et pérenniser les commerces ».

Cinq ans plus tard, la table ronde XXL de quatre mètres de diamètre a pris forme avec six chevaliers qui ont pris place autour. Ils seront rejoints d’ici 2027 par six autres chevaliers, assis en cercle autour du roi Arthur et tous en quête du Graal. « Le nombre de chevaliers varie énormément selon les récits et nous avons donc choisi les plus puissants et fidèles », assure l’élu, qui a confié ce travail d’orfèvre au sculpteur Michaël Thomazo. Pour faire revivre Perceval, Gauvain, Girflet, Galaad et consorts, l’artiste sculpte d’abord leurs corps avec de l’argile avant d’en faire un moulage en résine et de patiner le tout pour donner un effet bronze. « Chaque colosse pèse environ 100 kilos et mesure 1,80 m une fois assis, précise l’artiste. Cela me demande entre trois et quatre mois de travail pour chaque. »

Respectant à la lettre le plan de table établi et conseillé par un historien sur les armoiries, le sculpteur breton a eu en revanche carte blanche sur les costumes des chevaliers. « Je me suis un peu inspiré de l’univers de Games of Thrones ou d’Iron Man pour captiver aussi le jeune public », indique l’artiste steampunk, qui expose le reste de ses œuvres un peu partout en Europe.

Ségurant, le chevalier oublié, aura également sa place

Après avoir livré ses six premières sculptures, il s’attaque aujourd’hui à deux nouveaux chevaliers, Yvan, surnommé le chevalier au lion, et Ségurant, le seul qui sera debout autour de la table. Pour ce dernier, le défi s’annonce d’ailleurs immense car ce chevalier au dragon longtemps oublié de la cour du roi Arthur n’a refait surface que l’an dernier, retrouvé après dix ans de recherches par le chercheur franco-italien Emanuele Arioli. « Je serai le premier à le sculpter car Ségurant n’a pour l’heure pas de visage ou d’armure », explique Michaël Thomazo, tout excité par ce nouveau défi.

Et il n’est pas le seul car sur les réseaux sociaux, les internautes s’impatientent déjà de voir tous les chevaliers de la Table ronde réunis en plein cœur de la forêt de Brocéliande. L’une d’entre elles salue ainsi « le souci du détail et le gigantisme de l’œuvre » tandis qu’une autre assure que ses enfants « ont dévoré l’histoire de ces chevaliers après avoir découvert la Table ronde cet été ». Avec ses nouveaux héros, la forêt de Brocéliande n’a donc pas fini de nous bercer de ses légendes.