Grossophobie, homophobie, alcoolisme... Le chanteur Tiziano Ferro se livre dans un documentaire sur Amazon Prime Video
MUSIQUE Dans un documentaire, « Ferro », mis en ligne sur Amazon Prime Video, la star italienne raconte les hauts et les bas de sa carrière en levant le voile sur une partie de son intimité
- Tiziano Ferro, 40 ans, est une star de la chanson italienne, particulièrement connu en France pour sa chanson Perdono (Xdono), récompensée d'un disque d'or en 2002.
- Dans le documentaire, Ferro, qui lui est consacré sur Amazon Prime Video, le chanteur évoque explicitement ses failles.
- « A chaque fois que j’ai partagé ma vérité avec d’autres, mes proches ou le public, ma vie est devenue plus simple. La vérité permet d’ouvrir un dialogue », explique-t-il à 20 Minutes.
En France, Tiziano Ferro est connu pour Perdono, tube de l’année 2002, auréolé d’un disque d’or et issu de l’album Rosso Relativo, 25e meilleure vente dans l’Hexagone cette année-là. « Je sais ma chance d’avoir eu un succès comme celui-ci dans votre pays. La France a été le premier pays en dehors de l’ Italie à m’avoir accueilli. Je me souviens d’avoir participé à une émission à l’ombre de la tour Eiffel avec plein d’autres artistes. Je me sentais au paradis, je regardais la tour et j’avais l’impression d’avoir conquis le monde », raconte le chanteur transalpin à 20 Minutes.
Si les oreilles du grand public français n’ont plus guère entendu parler de lui depuis, l’artiste est devenu une star respectée en Italie, où ses six opus sortis par la suite – dont Accetto Miracoli l’an passé – ont tous été numéro 1. Sa gloire s’étend par ailleurs jusqu’en Suisse, en Belgique francophone et en Espagne où toutes ses chansons sortent en espagnol.
Regarder Ferro, le documentaire mis en ligne sur Amazon Prime Video vendredi, est une parfaite séance de rattrapage pour recoller les morceaux avec la star de la scène italienne. L’hagiographie redoutée vole en éclats dès les premières secondes : le film commence à Los Angeles – où l’artiste vit désormais – en pleine réunion des Alcooliques Anonymes. Dans l’heure et quart qui suit, Tiziano Ferro ne cesse de mettre ses sentiments à nu, d’exposer ses failles, de conjurer ses traumatismes.
« Prendre soin de l’âme du public »
« Chaque fois que je me suis raconté la vérité, je me suis senti plus libre, léger. A chaque fois que j’ai partagé cette vérité avec d’autres, mes proches ou le public, ma vie est devenue plus simple. La vérité permet d’ouvrir un dialogue, avance-t-il à 20 Minutes. Les gens réagiront en exprimant de l’amour ou de la haine mais personne ne pourra m’enlever ou me dénier mon expérience. »
Le néo-quadra n’a pas hésité à se livrer aussi intimement. « Les gens ont besoin de compassion, de protection. Mais si un artiste se montre toujours comme une personne parfaite, comme un super-héros, ce réconfort est impossible. Un artiste a le devoir moral de prendre soin de l’âme du public, comme un médecin soigne un corps. »
Alors Tiziano Ferro parle à cœur ouvert. D’abord du harcèlement dont il a été victime à l’adolescence – il fut insulté pour son surpoids, ses attitudes efféminées –, puis de sa carrière qui n’a démarré qu’après être passé de 110 à 70 kilos. Ses premiers pas vers le succès, il les a vécus à 20 ans, dans un état second, dans un corps qu’il ne ménageait pas et dans lequel il peinait à se reconnaître : « Je m’habillais en maigre ». Il parle aussi de son homosexualité qui terrorisait son entourage professionnel. On lui proposait de faire des paparazzades, de s’inventer des conquêtes féminines. Il a toujours refusé, préférant mentir par omission.
A 20 Minutes, il raconte une anecdote édifiante remontant à l’un de ses premiers passages à Paris. « Ma maison de disque française trouvait ma manière de m’habiller trop "fluide" [au sens d’androgyne, gender fluid]. Je devais aller faire un plateau télé directement après mon arrivée à l’aéroport. A peine avais-je récupéré mes bagages qu’un styliste m’a mené aux toilettes où il a ouvert ma valise en me disant : « Mets ça. Mets ça. Ça non, ça non. » Honnêtement, je ne me souviens pas avoir eu des vêtements si gays. Mais eux, ils pensaient que si. Ils m’habillaient en couleurs sombres, en jeans. J’ai trouvé ça humiliant, mais je n’ai rien osé dire. Je me trouvais privilégié d’avoir une carrière, de saisir l’opportunité qui m’était offerte. Je referais peut être pareil. A 21 ans, tu te fies et tu respectes ceux qui travaillent pour toi. »
Coming-out
Son succès naissant contraste avec son mal-être profond. Lui qui n’avait jamais bu une goutte d’alcool jusque-là, est incité à y goûter par ses musiciens en tournée. Il découvre l’ivresse. Il devient alcoolique. Il finira par se détourner de cette addiction en trouvant une planche de salut auprès des Alcooliques Anonymes. Au tournant des années 2010, il fait son coming-out. Il demeure à ce jour l’une des rares célébrités italiennes à évoquer explicitement son orientation sexuelle. Il prend la parole pour les droits des personnes LGBT. Lundi, il est ainsi apparu dans une vidéo de soutien à la loi Zan contre l’homophobie et la transphobie en Italie.
Parmi les artistes à son Panthéon personnel, il site Pasolini, Morrissey, Amy Winehouse, Whitney Houston, mais aussi les peintres Michel-Ange, Botticelli, Canaletto, Giotto… « Des artistes qui se sont toujours foutus des conventions », résume-t-il. Lui aussi fait fi à sa manière de ses convenances. Celui qui fut l’invité d’honneur du dernier Festival de Sanremo, événement révéré de la musique italienne, se sent surtout à l’aise dans l’anonymat que lui offre sa vie en Californie.
« Aujourd’hui, je partage ma vie avec un homme très timide, détestant être au centre de l’attention, dont la réserve internationale s’illustre sur la couverture de Vanity Fair », a plaisanté son époux Victor Allen dans son discours de mariage l’an passé. La star n’est pas à un paradoxe prêt. Alors que son nom signifie « fer » en italien, il se distingue, non par sa dureté, mais par sa grande douceur.
Quelques chansons pour se familiariser au répertoire de Ferro
Outre la très connue Perdono (également intitulée Xdono), on vous conseille de jeter une oreille à Imbranato, extraite du premier album, qui existe également dans une version bilingue en français et italien. Ti scatterò una foto est en quelque sorte l’archétype de la ballade à l’italienne. Si Tiziano Ferro a collaboré avec plusieurs artistes dont Mary J. Blige ou John Legend, mais privilégions le "made in Italy" avec Stavo pensando a te, morceau du rappeur Fabri Fibra sur lequel le chanteur apparaît en featuring. Sur le dernier album de Tiziano Ferro, sorti en 2019 et produit notamment par Timbaland, on a une préférence pour Buona (cattiva) sorte et le morceau donnant son titre à l’opus, Accetto Miracoli.