Besançon : Le Musée du Temps réouvre et déconfine l’exposition « Time is Tomi », sur le dessinateur Tomi Ungerer

FRANCHE-COMTÉ Le Musée du Temps a réouvert ses portes ce mardi 19 mai à Besançon : c’est l’un des tout premiers à se déconfiner de la région, avec à la clé, l’exposition « Time is Tomi », hommage au dessinateur Tomi Ungerer

Aude Lorriaux
Nicolas Surlapierre, le directeur des musées du centre de Besançon, et Laurence Reibel, la conservatrice du Musée du Temps, dans une des salles de l'exposition « Time is Tomi », sur le dessinateur Tomi Ungerer.
Nicolas Surlapierre, le directeur des musées du centre de Besançon, et Laurence Reibel, la conservatrice du Musée du Temps, dans une des salles de l'exposition « Time is Tomi », sur le dessinateur Tomi Ungerer. — Aude Lorriaux / 20 Minutes
  • Le Musée du Temps a réouvert ses portes ce mardi 19 mai à Besançon, après plus de deux mois de fermeture liée au coronavirus.
  • Il présente l’exposition Time is Tomi, hommage au dessinateur alsacien Tomi Ungerer.
  • A l’intérieur, tout a été repensé pour satisfaire les nouvelles normes de sécurité sanitaire.

Il n’y a pas foule pour l’instant, et c’est normal, l’autorisation de la préfecture est tombée la veille : le Musée du Temps à Besançon a rouvert ses portes ce mardi 19 mai, après plus de deux mois de fermeture, de visites virtuelles en ligne, de web-série et d’ateliers confinés. Une heure et demie après le top départ, l’institution, l’une des premières de la région à se déconfiner, avait accueilli dix visiteurs, selon Philippe, l’agent d’accueil qui compte les revenants. Car pas question de dépasser la jauge maximum autorisée, de 50 personnes en même temps, au lieu des 700 que le musée peut d’habitude recevoir en son généreux sein.

A l’intérieur, tout a été repensé pour satisfaire les nouvelles normes de sécurité. L’équipe d’« adjoints au patrimoine », comme aime à les appeler le directeur, est passée de sept à dix agents, pour mieux aiguiller les visiteurs et visiteuses. A côté des dessins de Tomi Ungerer, accrochés dans le cadre de l’exposition Time is Tomi, qui explore la relation de l’artiste au temps, des panneaux indiquent le sens obligatoire de visite, et des potelets avec une cordelette vous invitent à ne pas inventer de nouveau chemin. S’y ajoutent des flèches au sol et des sens interdits, et bien sûr du gel hydroalcoolique à l’entrée et à la boutique, en fin de parcours.

Laurence Reibel, la conservatrice du Musée du Temps à Besançon, discute avec un journaliste, à l'occasion de la réouverture du musée, le 19 mai 2020.
Laurence Reibel, la conservatrice du Musée du Temps à Besançon, discute avec un journaliste, à l'occasion de la réouverture du musée, le 19 mai 2020. - Aude Lorriaux / 20 Minutes

« J’ai la conviction qu’il fallait qu’on réouvre »

Exit en revanche les fiches explicatives et les rares objets pouvant d’habitude être manipulés, comme un pendule permettant de comprendre la gravitation. Il n’y aura pas d’audioguide sur smartphone, mais il reste tout de même des panneaux sur les murs. Suffisamment pour lire le titre de ce dessin hilarant et puissant du satiriste alsacien, représentant une femme qui botte les fesses d’un squelette, lui faisant cracher son dentier : « Triomphe de la vie ». L’un des préférés de Laurence Reibel, la conservatrice, qui se réjouit de rouvrir cette exposition qu’elle a co-créée, et qui a attiré près de 5.000 visiteurs et visiteuses en février.

Cette réouverture est aussi une vraie joie pour le directeur des musées du centre de Besançon (Musée du Temps et Musée des Beaux-Arts) Nicolas Surlapierre, qui se dit « excité » et « heureux » : « On avait tellement envie d’ouvrir qu’on était prêts à beaucoup de sacrifices », lâche-t-il. « J’ai la conviction qu’il fallait qu’on réouvre. Quand on a distingué services essentiels et non essentiels, et que j’ai compris que la culture n’allait pas faire partie des services essentiels, j’ai accusé le coup », ajoute-t-il.

Une muséographie réinventée

Le directeur se désole quand même de devoir supprimer le toucher et l’interaction. En bon spécialiste de la période contemporaine, il a été imbibé d’esthétique relationnelle, théorisée notamment par le critique et historien d’art Nicolas Bourriaud. Mais il s’y range, et essaie de trouver des côtés positifs à la période.

Le coronavirus ouvre selon lui un champ nouveau pour la muséographie, en invitant à réfléchir autrement : « Cela nous a obligés à nous mettre dans la peau du visiteur, à décomposer le parcours. Je crois qu’on ne reviendra pas à la scénographie d’avant. Notre but est de rendre la contrainte intéressante », commente-t-il, avec des accents oulipiens. Il constate aussi que cette période de confinement l’a rapproché « humainement » de son équipe.

Consoler, cicatriser

Mais Nicolas Surlapierre reste inquiet pour la suite : « Il y aura beaucoup de casse. Il y a une distance physique, affective, sociale, qui est en train de s’instaurer… On n’a jamais été aussi proche de penser que l’autre était un ennemi. La hantise de l’autre est perceptible : il y a des gens qui bondissent dans la rue parce qu’ils ont peur. Et à la fois il y a de très belles choses : j’espère qu’on aura l’imagination pour essayer de consoler, cicatriser. »

Comme un clin d’œil, le dessin qui ouvre l’exposition Time is Tomi est un autoportrait de l’artiste, qui lit tranquillement un livre, avec la mort assise à ses côtés, sous la forme d’un squelette. L’expression d’une « relation apaisée » avec sa propre fin, commente Laurence Reibel, la conservatrice du Musée du Temps. Comme une invitation à prendre avec sagesse cette épidémie.