Polémique sur le port du voile : Les rappeurs sont attendus au tournant

SOCIETE Alors que le pays est, encore, agité par une polémique sur le port du voile et des sorties islamophobes, les rappeurs sont parfois accusés de ne pas prendre publiquement position

C.W.
Les rappeurs doivent-ils forcément prendre part aux débats sociétaux?
Les rappeurs doivent-ils forcément prendre part aux débats sociétaux? — Emma PROSDOCIMI/SIPA
  • Dans une tribune publiée dans « Le Monde », 90 artistes ont dénoncé l’instrumentalisation de la laïcité.
  • Parallèlement, des internautes se sont interrogés sur le mutisme apparent d’autres personnalités du paysage culturel français, les rappeurs.
  • Mais pourquoi devraient-ils forcément prendre part aux débats sociétaux ?

La vie n’est qu’un éternel (et usant ?) recommencement. Alors qu’un énième débat autour de la question du port du voile dans l'espace public agite encore les politiques et les médias, et qu’on ne compte plus les sorties islamophobes, des personnalités ont décidé de réagir via une tribune dans Le Monde intitulée « Jusqu’où laisserons-nous passer la haine des musulmans ? ». Un texte en réaction à  l'agression verbale d'une accompagnatrice portant un foulard, violemment invectivé par un élu d’extrême-droite lors d’une assemblée plénière du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, à Dijon, le 11 octobre dernier. Une tribune publiée mardi dernier, et signée par 90 personnalités dont Omar Sy, Pénélope Bagieu, Matthieu Kassovitz ou encore Marina Foïs.


Parallèlement, des internautes se sont interrogés sur le supposé mutisme d’autres personnalités du paysage culturel français, les rappeurs, estimant notamment que la contestation était quasi inhérente à ce genre musical. Mais sont-ils pour autant obligés de prendre part aux débats sociétaux ? Les textes très engagés de certains artistes ne sont-ils pas suffisants ?

Un rap contestataire fantasmé

Sur Twitter, le sujet fait débat. Si certains attendent des rappeurs une prise de position, d’autres s’interrogent sur cette demande. « Mais je ne vois pas pourquoi on devrait forcément attendre d’eux qu’ils s’expriment publiquement sur des sujets compliqués comme ça, ça n’a souvent pas de rapport avec leur musique. Et on ne fait pas le même reproche aux sportifs ou aux acteurs », écrit notamment le journaliste Brice Bossavie.


En effet, pourquoi les rappeurs devraient-ils forcément se sentir concernés par les polémiques qui agitent la société, mais aussi pourquoi auraient-ils forcément une opinion à partager ? Comme l’expliquait très bien un article de Slate l’an dernier, la question de la politisation colle un peu à la peau des rappeurs. Pour cause, c’est notamment l’engagement et la virulence de certains textes de rap qui ont fasciné et passionné les médias il y a une vingtaine d’années. « Aujourd’hui encore, on continue de s’émouvoir de la fin de cette époque bénie que constitueraient les années 1990, où le rap semblait majoritairement engagé et sociétal », écrit le journaliste. Or, comme il le rappelle, le rap a toujours été divers et pluriel, constitué d’artistes et de textes tantôt graves et politisés, tantôt légers, dans le pur divertissement. « Ce manichéisme entre un bon rap politisé et un mauvais rap vide de portée sociale n’a en réalité pas lieu d’être. Les deux styles cohabitent pleinement, et non pas en deux mondes opposés », ajoute-t-il. En d’autres termes, le rap n’est pas forcément contestataire, et tous les rappeurs ne sont pas engagés.

Un engagement de longue durée

Néanmoins, il faut noter que certains prennent réellement position, de différentes manières. DJ Snake, artiste et producteur de hip-hop, a notamment signé la tribune publiée dans le Monde, tout comme le rappeur Nekfeu. Seth Gueko quant à lui, a posté sur Twitter un message qui ne fait aucun doute sur sa position.


Dans un autre genre, Dinos a lui aussi réagi de façon notable. Alors qu’il devait accorder une interview au Figaro, son producteur a décidé d’annuler, en réaction aux propos polémiques tenus (« ça n’existe pas l’islamophobie », disait-il notamment) par le directeur adjoint de la rédaction du journal.


Enfin, n’oublions pas que de nombreux artistes s’engagent en permanence à travers leurs textes, et ce depuis des années. On pense entre autres à Médine, mais aussi à Kery James, qui au-delà de demander régulièrement justice pour Adama Traoré, vient de signer pour Netflix un film politique, dénonçant notamment les violences policières. En d’autres termes, les rappeurs n’attendent pas les sorties racistes de certains pour s’engager.