VIDEO. Yann Moix, l'écrivain à l'épreuve de toutes les polémiques?

SCANDALE(S) Yann Moix est coutumier des polémiques en tous genres sans que, jusque-là, cela ait entravé sa carrière

F.R.
L'écrivain Yann Moix à Paris, en novembre 2013.
L'écrivain Yann Moix à Paris, en novembre 2013. — Eric Feferberg / AFP
  • Dans son roman autobiographique « Orléans », qui vient de sortir chez Grasset, Yann Moix décrit les sévices qu’il aurait subis quand il était enfant. Son père et son frère assurent qu’il ment.
  • Ces dernières années, notamment via son exposition à la télévision, Yann Moix s’est retrouvé au cœur de plusieurs polémiques.
  • La dernière controverse en date remonte à ce lundi : « L’Express » a révélé que Yann Moix a, dans sa jeunesse, participé à la conception d’un journal explicitement antisémite.

En cette rentrée littéraire, Yann Moix ne lave pas son linge sale en famille mais dans les pages d’Orléans, son nouveau livre paru le 21 août chez Grasset. Un roman autobiographique dans lequel il décrit les brimades et les coups que lui aurait infligés son père lorsqu’il était enfant.

Avant même la parution, José Moix, le paternel incriminé se défendait de toute maltraitance : « J’ai des origines catalanes et ai été strict, j’en conviens, mais jamais je n’aurais été capable de faire manger ses excréments à mon fils. Prétendre cela relève de la psychiatrie, ce n’est pas possible ! », a-t-il déclaré à La République du Centre.

Ce dimanche, c’est le frère de l’écrivain, Alexandre Moix, qui a à son tour pris la parole dans une longue lettre ouverte publiée par Le Parisien. « J’ai subi vingt ans durant des sévices et des humiliations d’une rare violence de sa part. Ceux-là mêmes qu’il décrit dans son roman en les prêtant à nos parents. (…) Yann était un grand frère destructeur », cingle le cadet de la fratrie.

« L’ornière médiatique de "Qui a raison ? Qui a tort ?" »

Ce lundi matin, Olivier Nora, le PDG de Grasset a tenté de déminer le terrain au micro d’Europe 1. « En la matière, personne ne peut fournir de preuve matérielle, il ne reste qu’une intime conviction, a avancé l’éditeur. En matière de reconstitution des souvenirs d’enfance, chacun a sa vérité subjective, même dans les familles où l’amour prévaut. » Et d’ajouter : « Chacun est légitime à clamer sa souffrance dans une famille pathogène, et il ne suffit pas d’avoir souffert pour avoir du talent. Mais il y en a un qui est devenu un grand écrivain, et c’est Yann Moix. »

Il faudra sans doute davantage pour éteindre la controverse. L’éditeur le sait, il s’attend à ce que la promotion du roman tombe « dans l’ornière médiatique de "Qui a raison ? Qui a tort ?" On sait bien que la tendance, quand un livre dégage ce genre de polémique, est qu’à terme les gens s’en détournent. »

Il n’en demeure pas moins qu’Orléans est la nouveauté de la rentrée littéraire qui a pour le moment obtenu la plus large couverture médiatique et que le scandale ne l’empêchera sans doute pas d’être un succès en librairie. Yann Moix semble résister à tout et surtout aux polémiques, qui le font exister. On notera par exemple que le tollé suscité en janvier par  ses propos sur les femmes de plus de 50 ans n’ont en rien entravé sa carrière médiatico-littéraire.

« Une impression d’être enveloppé de merde »

Retour en arrière. En 1996, Yann Moix décroche le Goncourt du premier roman pour Jubilation vers le ciel. En 2002, Podium est un succès en librairie (30.000 exemplaires vendus), puis dans les salles en 2004 : l’adaptation ciné, réalisée par l’auteur lui-même, a enregistré plus de 3.5 millions d’entrées. Mais, ce n’est qu’en 2010 que son nom devient véritablement familier du grand public. Soit juste après la sortie de son deuxième film, Cinéman, une comédie éreintée par la critique et snobée par le public. Un flop aussi retentissant que  le tournage fut catastrophique. « J’avais honte, physiquement honte, une impression d’être enveloppé de merde. Je n’ai plus osé sortir de chez moi pendant longtemps. C’est un film malade. Si j’avais su, j’aurais fait ma dépression plus tôt, avant de commettre ce film », s’autoflagellera Yann Moix du côté de Technikart en 2013, tout en confessant sa blessure d’orgueil.

En 2010, donc, Laurent Ruquier l’invite à rejoindre la bande d’On va se gêner sur Europe 1, puis à le suivre sur RTL avec Les Grosses têtes en 2014, avant de lui demander, un an plus tard, de succéder à Aymeric Caron sur le siège de chroniqueur d’On n’est pas couché (ONPC). « Je ne suis pas là pour plaire à Cyril Hanouna et son aréopage de pétomanes appointés », prévenait-il à l’époque auprès de 20 Minutes, clamant son intention d’élever le débat. Cela ne l’a pas empêché, durant trois saisons, de multiplier les coups d’éclats. Qu’il traite Patrick Sébastien de « malade », compare Jean-Luc Mélenchon à « un petit dictateur en carton-pâte » ou dézingue Brigitte Bardot, il joue son rôle de grande gueule. Le public s’offusque ou applaudit, mais oublie bien vite chaque « clash » – Christine Angot, n’aura pas cette chance.

« Mon corps m’a lâché et ma copine m’a quitté »

Rebelote la saison passée en tant que chroniqueur de Salut les Terriens ! sur C8 où ses propos sur les policiers – des « propos grossiers », s’excusera-t-il plus tard – lui vaudront une plainte de Gérard Collomb, alors ministre de l’Intérieur. Yann Moix avait déjà agacé le pouvoir en janvier 2018. Face au porte-parole du gouvernement Benjamin Grivaux, dans ONPC,  il avait dénoncé la manière dont les migrants sont traités à Calais : « Si l’honneur de la République est de frapper des enfants à coups de matraque et de gazer l’eau potable, (…) je n’appartiens pas à la même République que vous. »

Yann Moix savait de quoi il parlait, à l’été 2017, il était allé sur place pour tourner le documentaire Re-Calais, destiné à Arte. « Je ne pouvais pas ne pas le faire. Les hommes politiques feignent de contrôler la situation de ce qui sera le sujet majeur du XXIe siècle, a-t-il déclaré au Parisien au sujet de cette expérience. Les migrants ont bouleversé mon existence. » A tel point, que l’écrivain a fait un « burn-out » : « Mon corps m’a lâché et ma copine m’a quitté. »

C’est cette rupture qu’il raconte dans Rompre, roman paru en début d’année. Alors interviewé par   Paris Match, l’écrivain mettait en avant son « aptitude démesurée à être malheureux ». Il précisait : « Cela remonte, très simplement, aux terribles traumatismes d’une enfance défigurée dont nul ne peut s’imaginer la violence. » Il est désormais possible de se faire une idée en lisant Orléans.

Caricatures antisémites

Mardi après-midi, L'Express a révélé que Yann Moix a contribué à un journal antisémite, au contenu explicitement négationniste, alors qu’il avait une vingtaine d’années. L’écrivain reconnaît auprès de l’hebdomadaire avoir dessiné des caricatures mais nie dans un premier temps avoir écrit les textes signés sous pseudonyme.

« Je me suis mis à dessiner les choses les plus noires, du plus mauvais goût possible, dans l’idée de les envoyer un jour au professeur Choron [le créateur de la revue satirique Hara-Kiri] », se justifie-t-il, assurant que son éditeur, tout comme Bernard-Henri Lévy, qui lui a mis le pied à l’étrier, étaient au courant de l’existence de ces dessins. « Ils savent que la littérature, chez moi, est tout et que, parfois, je suis encore capable de provoquer bêtement », affirme Yann Moix qui se dit « épouvanté par ce [qu’il] a pu produire ».

L’écrivain a finalement reconnu mercredi, dans Libération, être également l’auteur de textes négationnistes : « J’assume, j’endosse tout. Ce que j’ai fait à l’époque avec trois ou quatre cons, on était des types complètement paumés. Ces textes et ces dessins sont antisémites, mais je ne suis pas antisémite (…) Aujourd’hui, l’homme que je suis en a honte. »

Selon lui, c’est son frère qui serait à l’origine de ces révélations et qui aurait livré ces éléments à L’Express. « Mon frère a toujours été une balance. Mon père me frappait à coups de poing et de fil électrique sur une seule remarque, un seul caprice, une seule plainte émanant de lui. (…) Aujourd’hui, il tente même de me voler mes raclées ! Il n’a jamais réussi à trouver sa voie. Ce qui le rend aigri et méchant. Avec ces dessins qui sortent aujourd’hui, il tire son ultime cartouche. Cet aveu d’échec est d’une grande tristesse. » La polémique épargnera-t-elle une nouvelle fois Yann Moix ?