«Les étoiles vagabondes»: Japon, déprime et Vanessa Paradis... Nekfeu sort son nouvel album

REPORTAGE Le rappeur Nekfeu a dévoilé son troisième solo, jeudi soir, via un film diffusé dans 150 cinémas de France

Marie Gicquel
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65 000 personnes avait réservé la séance du nouveau projet de Nekfeu "Les étoiles vagabondes"
65 000 personnes avait réservé la séance du nouveau projet de Nekfeu "Les étoiles vagabondes" — Acyle Koussa

« Le son est claqué mais nique sa mère ». Le rappeur Doums s’improvise en chauffeur de salle. Le membre de L’Entourage (le collectif qui comptait Nekfeu à ses débuts) accueille la salle comble du Gaumont-Opéra. Le public est jeune, stylé et plutôt calme : crop-tops, blousons pastels et casquettes vissées. Jeudi soir, Nekfeu présentait son nouvel album et un film, Les étoiles vagabondes.

Le film de Syrine Boulanouar (le réalisateur des clips du rappeur depuis 1995) s’ouvre sur les loges aux néons bleus du festival Les vieilles charrues en 2017. On suit de dos ce rappeur de 29 ans qui s’apprête à rentrer dans l’arène. Les premières minutes : un défilé de clair-obscur, incipit de l’état d’esprit de cet artiste qui broie du noir sous les projecteurs. En guise d’introduction, la voix off de Nekfeu annonce : « Aujourd’hui j’ai joué devant 80 000 personnes, et je ne me suis jamais senti aussi seul. »

Coup de déprime parisien

Ken Samaras est déprimé : « J’ai l’impression qu’on ne m’écoute pas, et quand ça va pas je bouffe comme un fou et ces derniers temps j’ai pris beaucoup de poids/J’ai détesté le succès, mais faut croire que ça m’a pas suffit et si j’étais 100 % moi-même je ne ferai pas ce film. » Voilà pour les premières paroles de cet album d’apprentissage. Des toits du nord de Paris au pont de Sully, le feneck traîne son vague à l’âme et son manque d’inspiration. Le star system l’a vampirisé : éloigné de sa famille, séparé de sa copine et un nouvel album – qui doit forcément être mieux que le précédent- à gratter. Il faut s’exiler.

Direction le japon, chéri par l’artiste qui s’était déjà inspiré du film de Miyazaki Mon voisin Totoro pour un sample.

Carillon japonais… Trompette de la Nouvelle Orléans…

Le chapitre Tokyo offre des scènes de potes qui bidouillent des mélodies dans une fumée de weed et improvisent des studios d’enregistrements dans des placards dont l’acoustique tient à un futon plié. Des rues bondées et illuminées de la capitale japonaise aux temples, la bande accouche des titres Cheum, Takotsubo et Menteur menteur.

Après sa parenthèse japonaise, le rappeur mélancolique s’embarque pour Los Angeles puis la Nouvelle-Orléans, où un ouragan le menace (Premier pas : « Les gens d’ici n’ont pas trop l’air inquiet, ils disent avoir connu pire avec Katrina/Les musiciens s’amusent en improvisant, tous les voisins se fournissent en provisions »). L’inspiration reprend dans cette ville où le jazz est né. Nekfeu invite même des musiciens à poser leur talent sur son projet : un percussionniste découvert dans la rue et le tromboniste Shorty.

Le film se clôt sur l’île grecque du grand-père du rappeur. Mytilène est aussi un des ports de l’immigration. La caméra de Syrine Boulanouar montre ces tas de gilets de sauvetages déchiquetés. La frappante réalité qui rappelle aussi à l’artiste qu’il « faut arrêter de se plaindre » (Ολά Καλά

Etoile brillante dans Ciel noir

Un film se termine en happy end : l’album est prêt et le flocage des Etoiles vagabondes de Nekfeu peut commencer. Si Cyborg était l’album de la maturité, Les étoiles vagabondes transforme le rappeur en artiste accompli. Dans ces 18 titres, chiadés, tristounes, le flow maintient le tout et les punchlines ne déçoivent pas. Un rythme peut-être plus essoufflé que du temps de 1995 et des collaborations avec Alpha Wann. L’ami de toujours pose malgré tout sa voix lors d’un duo, comme le rappeur Damso ou la chanteuse Vanessa Paradis.

« Incroyable » lâchent les fans conquis à la sortie d’une projection « qui donne envie d’écouter l’album en boucle et se remémorer les images ». Mais qui donne aussi et « surtout envie d’être artiste et de se jeter dans la foule ». Pas sûr que la déprime de Nekfeu ait marqué les jeunes esprits… Pourtant, le film et l’album cachent une noirceur due à une célébrité mal vécue qui rappelle le documentaire de Netflix sur Avicii True stories.