Rossy de Palma dans «Fashion Freak Show»: «Jean Paul Gaultier, c'est mon frère de vie, de créativité»

INTERVIEW Rossy de Palma, la « guest star » du « Fashion Freak Show » de Jean Paul Gaultier à partir de ce jeudi et jusqu’au 31 mars aux Folies Bergère, s’est confiée à « 20 Minutes » avant la première

Propos recueillis par Fabien Randanne
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Rossy de Palma, «guest star» du «Fashion Freak Show» de Jean Paul Gaultier aux Folies Bergères, en mars 2019.
Rossy de Palma, «guest star» du «Fashion Freak Show» de Jean Paul Gaultier aux Folies Bergères, en mars 2019. — Christophe ARCHAMBAULT / AFP
  • « Fashion Freak Show » est le spectacle de Jean Paul Gaultier qui se joue depuis septembre et jusqu’en juin aux Folies Bergère à Paris.
  • A partir de ce jeudi et le temps de douze représentations, Rossy de Palma se joindra à la troupe sur scène.
  • « C’est une folie ! Une vraie folie ! », assure Rossy de Palma à « 20 Minutes ».

« A dream come true », dit-elle… Un rêve qui devient réalité, pour Rossy de Palma. L’actrice espagnole est, à partir de ce jeudi et jusqu’au 31 mars, la star invitée du Fashion Freak Show de Jean Paul Gaultier aux Folies Bergère (Paris 9e). La muse du couturier apparaissait déjà sous les traits d’une institutrice sévère, le temps d’une vidéo, dans ce spectacle foisonnant de style, de danses et de musiques. Lors de ces douze représentations exceptionnelles, les spectateurs pourront désormais l’applaudir en chair et en os. Que fera-t-elle sur scène ? « Surprise, on ne veut pas faire de spoiler », répond-elle, avec son accent ibérique, quand 20 Minutes lui pose la question dans un bar en face de la mythique salle parisienne.

Dans quel état d’esprit êtes-vous avant votre première dans le « Fashion Freak Show » ?

C’est tellement magique, j’éprouve une sensation incroyable de pouvoir être dans le spectacle de mon cher Jean Paul, que je connais depuis trente ans, et en plus dans un endroit légendaire comme les Folies Bergère. C’est une folie, hein ! Une vraie folie. C’est une scène sur laquelle Josephine Baker a dansé. Toute cette énergie, on la sent.

C’est facile d’intégrer une troupe qui a déjà sans doute ses petites habitudes ?

La troupe fait un travail insensé dont je suis hyper méga respectueuse. Je crains qu’ils doivent répéter davantage pour moi. Alors je dis : « Libérez-les ! Je peux faire ça toute seule et ils peuvent venir plus tard ». Je sais ce que c’est, cette overdose de travail pour la scène. Mes passages sont prévus pour ne pas déranger le fil du spectacle qui se déroule déjà avec un bon rythme.

Vous avez hésité à accepter la proposition de Jean Paul Gaultier ?

Non, franchement, c’était compliqué pour moi au niveau agenda, mais je ne pouvais pas refuser les Folies Bergère. (Elle fait un mouvement de bras en prenant une inspiration), Ça m’attirait comme un aimant puissant. [Un serveur vient apporter la commande, puis elle reprend]. Je me sens plus nature sur la scène parce que c’est là où tu as le droit d’attirer l’attention. Je suis heureuse d’être avec Jean Paul, que j’adore, mais peut-être que si ça avait été dans un autre théâtre que les Folies j’aurais hésité. Pas hésité, mais je n’aurais pas été autant convaincue. C’est un peu comme si on faisait un casting d’amour : avec quel théâtre je veux faire l’amour ? Le théâtre est comme une entité, non ? Je ne l’ai pas encore fait ici, mais demain [ce jeudi], avant la première, je me baisserai pour embrasser la scène. J’aime bien faire ça.

Il y a quelque chose de spirituel dans votre rapport à la scène ?

Oui, de spirituel et une vénération. Comme un temple. Ma religion, c’est la scène.

Jean Paul Gaultier dit : « Rossy de Palma fait partie de ma famille »…

Oui, et il fait partie de la mienne.

Ce serait qui ? Un grand frère ? Un cousin ?

Un frère. Absolument : un frère de vie, de complicité, d’art, de bonheur, de créativité, de curiosité. On partage quelque chose d’enfantin. J’aime le voir avec cette énergie de petit garçon, toujours curieux, toujours en éveil. Je me souviens qu’une fois, j’étais allé le voir pour faire des essais avant un défilé. Je portais un sac, que j’avais acheté à Buenos Aires, utilisé par les danseuses de milonga. Elles mettent une chaussure d’un côté, une chaussure de l’autre, les deux côtés se rabattent et ça fait un sac. Quand il a vu ça, il s’est dit que ce serait une bonne idée de le faire en cuir, que les gens le porteraient de telle manière… Il est à l’affût de tout. Je suis très comme ça aussi, un truc à la con peut me donner l’idée d’un truc génial. Lui et moi avons une connexion avec la créativité et c’est magnifique.

Rossy de Palma et Jean Paul Gaultier, dans les coulisses des répétitions du «Fashion Freak Show».
Rossy de Palma et Jean Paul Gaultier, dans les coulisses des répétitions du «Fashion Freak Show». - Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Vous êtes la muse de Jean Paul Gaultier, mais aussi celle de Pedro Almodovar…

Ces histoires de muse, ça me perd un peu. Ce qui est magique c’est quand quelqu’un qui t’inspire, qui te donne du bonheur, te fait rêver, est aussi inspiré par toi et que tu le fais également rêver. La magie, c’est cette complicité, la réciprocité. Ce sont des âmes, comment on dit… des jumeaux de vie. On est plongés dans la même culture, les mêmes références. On est dans un monde d’artistes. C’est un univers où il n’y a pas de frontière, pas de religion, pas de préjugé, où on a un regard bienveillant et émerveillé sur les choses. Etre artiste, c’est très bien contre la dépression parce que même si tu es triste, tu peux faire de cette tristesse une chanson ou la décliner en beaucoup de choses. L’art a une force thérapeutique.

Jean Paul Gaultier, Pedro Almodovar et vous-mêmes assumez pleinement votre excentricité…

Parce que pour nous, c’est naturel, ce n’est pas exotique. Un autre journaliste me demandait si Jean Paul était avant gardiste quand il mettait en avant la diversité. J’ai répondu que non, que c’était naturel pour lui, qu’il aimait la différence et qu’il aimait que les gens soient différents. C’est une richesse. On dit qu’on est pionniers parce qu’on a imposé une autre forme de beauté ou de façon d’être, mais pour nous c’est complètement normal : la beauté est partout.

« Fashion Freak Show » s’amuse avec le masculin, le féminin…

Voilà et le non-genre aussi. Pour nous, c’est normal, ce melting-pot. On a grandi comme ça, avec cette liberté dans les façons d’être. Les années 80 pour ça, c’était magique. En Espagne, il y avait la Movida madrilène, c’était une explosion de tout ça. Ma fille, qui a 19 ans, me dit : « Maman, quelle chance tu as eu d’avoir été jeune dans les années 1980 », parce que la musique et les choses qu’on faisait à l’époque, ça reste frais. Quand j’ai vu le spectacle, je n’ai pas pensé à l’aspect à technique ou à ce qui pouvait être amélioré, je suis sortie pleine d’enthousiasme. On a encore en mémoire beaucoup de choses. Tu es encore très jeune, mais, nous, on a tout ce parcours qu’on a vécu, toutes ces chansons [utilisées dans le spectacle] qui nous renvoient à nos souvenirs et nous reconnectent avec ce qu’on était. En sortant, je suis venue boire un verre ici. On était tous là à danser, à célébrer la vie. On sort du spectacle avec cette énergie de célébration de la vie. Jean Paul, c’est la gaieté, il donne de la légèreté à nos vies.

C’est un spectacle très libre…

Justement, je disais dans une autre interview qu’aux Folies Bergère, dans les années 20, il y avait plus de liberté et de frénésie qu’on peut en avoir maintenant. C’est pour ça que je dis que, parfois, l’humanité est un peu bête. Pas l’humanité, mais des êtres humains qui n’apprennent rien de l’histoire. Parce que l’histoire nous dit où il ne faut pas revenir, mais il y a des choses qui sont comme incrustées et qui perdurent. Je suis heureuse d’être artiste parce que, dans l’univers des artistes, il n’y a pas de religion, de frontière, on est dans une autre dimension.

Venir voir le spectacle, c’est aussi entrer dans une autre dimension ?

Totalement, c’est un spectacle contagieux de vie. C’est comme une injection d’optimisme, d’énergie, de célébration de l’existence. C’est tout à fait l’esprit de Jean Paul qui n’a jamais changé pendant toutes ces années d’amitié. Il a toujours été en connexion avec la joie de vivre, avec la créativité, c’est une merveille.

Jusqu'au 1​6 juin

Quelque 150 représentations du Fashion Freak Show ont été données sur la scène des Folies Bergère en l'espace de six mois. Le spectacle, qui a déjà été vu par plus de 200.000 spectateurs, a été prolongé jusqu'au 16 juin. Des représentations devraient ensuite être données à l'étranger. Londres et le festival de Spolète, en Italie, seront au programme.