Harcèlement : « Mes héroïnes ne font pas l’apologie de la violence », selon Gustave Kervern
justicières•Yolande Moreau et Laure Calamy partent à la recherche de personnes toxiques dans « Je ne me laisserai plus faire », disponible sur « Arte »Caroline Vié
L'essentiel
- Deux femmes résolues prennent la route pour se venger dans « Je ne me laisserai plus faire », sur Arte.
- Yolande Moreau et Laure Calamy, deux actrices complémentaires, sont entourées de partenaires talentueux comme Jonathan Cohen et Marie Gillain.
- Ce film aborde des sujets graves avec un sens de l’humour qui fait du bien.
Ça cartonne ! Je ne me laisserai plus faire de Gustave Kervern rencontre un franc succès après sa diffusion sur Arte. Yolande Moreau en pensionnaire d’un Ehpad épaulée par Laure Calamy en femme de ménage prend la route pour retrouver les personnes qui l’ont humiliée par le passé et leur faire prendre conscience des conséquences de leurs actes.
« Après avoir vu le film, des gens se sont mis à faire des listes des harceleurs qui les ont persécutés, explique Gustave Kervern à 20 Minutes depuis l’île Maurice où il est en repérages pour son prochain film. Mais je n’aime pas qu’on dise que je raconte une histoire de vengeance. Mes héroïnes ne font pas l’apologie de la violence ». Il s’est bien entouré pour cette comédie tendre qui parle de harcèlement avec un humour noir et tendre ne masquant pas la gravité du sujet. « Je voulais parler de choses sérieuses avec légèreté, insiste-t-il. Cela me rend fier quand on me dit que j’y suis parvenu ».
Une affaire de femmes
Ce n’est pas un hasard si Gustave Kervern a construit son récit autour de deux personnages féminins. « La cause féministe me tient à cœur car rien n’est jamais acquis dans ce domaine. Je trouve qu’après ce qui vient de se passer aux Etats-Unis, il ne faut pas lâcher l’affaire et rester vigilant pour ne pas avoir de mauvaises surprises chez nous demain ». Ce sont donc des femmes dynamiques qui dominent son film. Son duo, Thelma et Louise des routes du nord de la France, gagne immédiatement la sympathie en croisant sur son chemin des têtes connues comme Jonathan Cohen, Anna Mouglalis, Corinne Masiero, Marie Gillain ou Raphaël Quenard. La bienveillance est le maître mot d’un récit où chacune et chacun peut se reconnaître.
Des deux côtés du manche
« Il arrive que même de petites choses vous marquent à vie. J’ai subi des moqueries quand j’étais plus jeune et j’y pense encore. Je m’en suis inspiré comme de récits d’humiliations ou d’actes violents que m’ont racontés des personnes de mon entourage », précise le réalisateur. S’il destine bien évidemment son récit aux victimes de harcèlement, il ne vise pas qu’elles. « A mon sens, on a toutes et tous plus ou moins connu les deux côtés du manche, explique-t-il. La plupart des gens ne sont ni des anges ni des démons ».
Le réalisateur ne s’exclut pas de la liste. « Au collège, on se moquait d’un camarade qui a fini par quitter l’établissement, se souvient-il. Aucun d’entre nous ne se doutait du mal que nous lui faisions. Je m’en veux encore aujourd’hui, 45 ans après. Il n’est jamais trop tard pour comprendre son mauvais comportement ». Ceux que combattent les héroïnes vont crescendo donnant un sens de plus en plus important à leur quête.
De la folie sur la route
Le personnage de Yolande Moreau, toujours aussi lumineuse, est particulièrement touchant. « Elle n’a plus rien à perdre et elle va mettre une étincelle chez tous les gens qu’elle rencontre. Je trouve beau de se dire qu’elle va vivre cela vers la fin de sa vie et entraîner les autres avec elle ». Sa performance et ce que Gustave Kervern définit comme un « charisme de la gentillesse » sont parfaitement complétés par la folie douce d’une Laure Calamy, impeccable en jeune femme timide se révélant progressivement en guerrière sous l’influence de son aînée.
On prend grand plaisir à croiser avec elles toutes sortes de protagonistes attachants comme un couple de policiers frappadingues parodiant joyeusement les clichés du polar avec une belle dose de fantaisie.
En solo pour l’instant
Je ne me laisserai plus faire est sa première réalisation en solo « parce que cette histoire était très personnelle », mais Gustave Kervern n’est pas brouillé avec son binôme Benoît Delépine, coréalisateur, entre autres, du Grand soir et de Saint Amour. « Réaliser un unitaire pour la télévision est une manière de respecter notre duo qui sort ses films au cinéma et je suis très honoré qu’Arte ait produit mon projet », précise-t-il.
Il prépare aujourd’hui ce qu’il définit comme « une histoire d’amour triste » avec Mathieu Amalric, Léa Drucker et Rebecca Marder qu’il devrait tourner au printemps. « J’ai gardé les mêmes habitudes de travail que quand je suis avec Benoît Delépine avec un goût pour les plans fixes et les plans-séquences. Je ne serai pas perdu quand on va se retrouver après cette parenthèse », déclare-t-il.
En attendant, on vous encourage chaleureusement à aller découvrir Je ne me laisserai plus faire, disponible en replay sur Arte jusqu’au 27 février. C’est une œuvre qui donne à réfléchir tout en faisant du bien.
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