« The Deep House », « Abyss », « Underwater »… Les tournages sous l’eau, c’est l’enfer sur terre ?

GLOUGLOU En salle mercredi, « The Deep House » est un tour de force de mise en scène, avec un tournage sous l’eau comme le cinéma en a déjà connu d’autres, plus ou moins cauchemardesques

V. J.
Le tournage aquatique de  « The Abyss » a été un tel enfer que l'équipe a renommé le film « The Abuse »
Le tournage aquatique de « The Abyss » a été un tel enfer que l'équipe a renommé le film « The Abuse » — 20th Century Fox

Une maison hantée au fond d’un lac ? C’est le concept original du film de genre The Deep House, et en fait un tour de force à découvrir en salle depuis mercredi. Il faut dire que le duo de réalisateurs français Julien Maury et Alexandre Bustillo a bien fait les choses et s’est bien entouré : un bassin de 9 mètres de profondeur aux studios de Lites en Belgique, le chef opérateur Jacques Ballard spécialiste des prises de vues sous-marines et déjà à l’oeuvre sur Le Chant du Loup, un couple de plongeurs professionnels pour doubler les acteurs principaux Camille Rowe et James Jagger, et un dispositif de caméras complet et malin (drone, GoPro, caméra manuelle) qui permet de multiplier les points de vue en mode found footage.

S’ils ne sont pas, littéralement, mouillés, les metteurs en scène ont eu quelques sueurs, comme c’est souvent le cas avec les tournages sous-marins. Pas vrai James Cameron ?

« Abyss », « Titanic », « Avatar »… James Cameron l’insubmersible

The Abuse, vous connaissez ? C’est le surnom donné par une partie de l’équipe, et même imprimé sur des tee-shirts, au film The Abyss à cause de son tournage cauchemardesque. Avec 40 % du film sous l’eau, le réalisateur James Cameron avait, comme à son habitude, vu les choses en grand. Grand comme utiliser la cuve d’une centrale nucléaire à l’abandon et remplir ses 13 mètres de profondeur par 28 millions de litres d’eau. Un défi technique, et plusieurs avancées pour le 7e Art, « mais aussi physique et émotionnel », commente la productrice Gale Anne Hurd dans le documentaire Under Pressure : The Making of The Abyss, cité par le site Allociné.

Fuites d’eau, coupures de courant, cheveux décolorés par le chlore, plusieurs heures par jour immergés, tensions avec James Cameron… Le tournage a enchaîné les incidents, pas aidés par le comportement et le perfectionnisme du réalisateur, au point que l’actrice Mary Elizabeth Mastrantonio a fait une crise d’angoisse, que son comparse Ed Harris a failli se noyer. James Cameron aussi a mis sa vie en danger. « Je savais que ce serait un tournage difficile, mais même moi, je n’avais aucune idée à quel point », expliquera-t-il, avant d’ajouter : « Je ne veux plus jamais revivre ça ».

Sauf que la suite le fera mentir, avec Titanic bien sûr, mais aussi bientôt Avatar 2 qui explorera le monde sous-marin de Pandora. Avec d’ores et déjà une prouesse : Kate Winslet a battu le record d'apnée à Hollywood avec 7 minutes et 14 secondes, contre 6 minutes pour Tom Cruise dans Mission Impossible : Rogue Nation.

James Bond, « 47 Meters Down »… L’Underwater Stage à Londres

James Cameron est peut-être le plus connu, le plus « spécialiste », des réalisateurs à avoir tourné sous l’eau, mais il n’est pas le seul, avec également Tim Burton sur Dark Shadows et Miss Peregrine, Jean-Pierre Jeunet sur Alien, la Résurrection, sans oublier des James Bond et surtout les films de requins. Comme le détaille le journaliste François Cau dans un dossier spécial dans le magazine Mad Movies, les tournages sous-marins se sont développés avec une spécialisation et professionnalisation de certains chefs opérateurs, la plupart autodidactes et débrouillards. A l’instar donc de Jacques Ballard sur The Deep House, mais également de Mike Valentine (plusieurs James Bond, The Lost City of Z), Denis Lagrange (Point Break 2015, Dark Tide), Simon Christidis (The Reef, Godzilla vs Kong), etc.

Il existe même un studio entièrement dédié aux tournages sous-marins aux Pinewood Studios près de Londres : le Underwater Stage, ouvert depuis 2005, avec de l’eau à 30°C, filtrée aux UV pour être totalement transparente et ainsi faciliter le travail des équipes. Plusieurs blockbusters, séries et clips l’utilisent, et l’on recommande le diptyque 47 Meters Down et sa cage aux requins.

« Underwater », « Aquaman », « La Forme de l’eau »… Tourner sans se mouiller

« Je n’étais presque jamais dans l’eau à part le matin sous ma douche », révèle Vincent Cassel à propos du bien nommé Underwater, sorti début 2020. Pourtant, ce film de monstre se déroule bien sous l’eau, au mieux à l’abri d’une base sous-marine, au pire en combinaison dans les profondeurs. « On a filmé au sec, tout a été créé en postproduction et j’ai été le premier surpris par le résultat », précise l’acteur. Si vous connaissez sûrement la technique de la nuit américaine, qui consiste à tourner de jour des scènes extérieures censées se dérouler la nuit, il existe l’équivalent pour les scènes sous l’eau, appelé le « dry for wet ».

Fond vert, filtres, lumières, fumées, ralentis… Tout une panoplie d’effets est à disposition pour simuler l’eau en postproduction, comme dans La Forme de l’eau de Guillermo Del Toro, ou encore Aquaman de James Wan. Si les puristes tiquent face à cette technique et au rendu à l’écran, elle permet plus de sécurité et aussi de rendre l’impossible possible. Car Aquaman n’a ni bouteille, ni scaphandre, et on voit mal Jason Momoa partir en apnée pour 2h30. Enfin, sauf si le film avait été réalisé par James Cameron.