VIDEO. Xavier Dolan: «Etre un réalisateur connu ne me rend pas heureux car je me sens seul»

HOLLYWOOD Xavier Dolan s’est confié à « 20 Minutes » à l’occasion de la sortie du magnifique « Ma vie avec John F. Donovan » en salle le 13 mars

Caroline Vié
— 
Xavier Dolan à la première de «The Death and Life of John H. Donovan» à Toronto en septembre 2018.
Xavier Dolan à la première de «The Death and Life of John H. Donovan» à Toronto en septembre 2018. — Evan Agostini/AP/SIPA
  • Dans « Ma vie avec John F Donovan », Xavier Dolan règle ses comptes avec Hollywood.
  • Le réalisateur estime que les mentalités mettent du temps à évoluer dans l’usine à rêves américaine.
  • Il garde un optimisme prudent pour l'avenir.

Xavier Dolan frappe un grand coup en signant Ma vie avec John F. Donovan, double histoire d’un acteur mort d’une overdose et de l’enfant avec lequel il entretenait une correspondance secrète.  Kit Harington en star qui brûle sa vie par les deux bouts et Jacob Tremblay (Room) en gamin malmené à l’école sont éblouissants, tandis que Susan Sarandon et Natalie Portman apportent leur charisme sensible aux mamans des deux héros.

Le réalisateur québécois de Mommy et Jusqu'à la fin du monde y parle des thèmes qui lui tiennent à cœur : les rapports mère-fils ou l’acceptation de son identité sexuelle. Mais Ma vie avec John F. Donovan est aussi une œuvre bouleversante sur les mécanismes de l’usine à rêves, ce que Xavier Dolan confirme à 20 Minutes.

Le héros de votre film est une star. Selon vous, la gloire implique-t-elle des sacrifices ?

C’est ce que raconte Ma vie avec John F. Donovan. J’apprécie les avantages que m’apporte la notoriété mais sortir de l’anonymat a aussi un prix. Je ne sais jamais si les gens que je rencontre veulent me connaître pour ce que je suis ou pour les rôles que je pourrais leur apporter. Etre un réalisateur connu ne me rend pas heureux car je me sens seul.

Pensez-vous qu’Hollywood accepte de mieux en mieux les minorités ?

Je n’irai pas jusque-là. Les minorités s’unissent contre l’archétype de l’homme hétéro blanc qui détient le pouvoir. Je crois que l’industrie donne une plus grande visibilité aux femmes, aux ethnies et aux LGBT par opportunisme. Mais est-ce que les choses changent en profondeur ? Je n’en suis pas persuadé. J’y vois plutôt une façon artificielle d’obtenir la paix.

N’est-ce pas déjà un bon début ?

Bien sûr, des mouvements comme #MeToo sont magnifiques. Et cette quête d’égalité fait un bien fou. Mais il y a encore beaucoup de travail pour modifier une mécanique rouillée, pour dépasser le côté mercantile et parvenir à un vrai changement des mentalités, au-delà d’essayer de satisfaire à la fois les minorités et le public conservateur.

L’homosexualité n’est-elle pas mieux acceptée par Hollywood ?

C’est une acceptation circonstancielle. Il y a encore des gens qui se cachent comme le fait le personnage de Kit Harington dans mon film. Quand Hollywood met en avant des œuvres uniquement parce qu’elles sont issues de telle ou telle minorité, cela me semble être un leurre, une façon de s’acheter une bonne conscience. C’est méprisant pour les communautés concernées parce que les œuvres ne sont pas choisies pour leurs qualités mais pour caresser les communautés dans le sens du poil. Là encore, beaucoup de choses restent à faire.

Êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste pour l’avenir ?

Je crois en la jeunesse et en son désir d’égalité mais il est temps de se réveiller. Et pas seulement pour l’univers du 7e Art car Hollywood n’est pas le centre du monde. Il faut que la société bouge, qu’on se préoccupe du climat avant qu’il ne soit top tard. L’ampleur des chantiers à entreprendre donne le vertige pour sortir d’un individualisme mortifère.

Estimez-vous que votre célébrité fait de vous un modèle ?

C’est gratifiant de recevoir des témoignages d’amour comme à l’avant-première parisienne de Ma vie avec John F. Donovan. M’entendre dire que j’ai aidé des gens à être mieux dans leur peau est un vrai bonheur. Je ne me fais cependant pas d’illusions. Quand je partage des posts sur des causes qui me sont chères sur les réseaux sociaux, ils ont moins de succès que mes photos glamours. Mon impact est donc limité.